Mais que pouvait-elle bien faire en Thaodia ? Nylia se répétait inlassablement la même question. Elle avait beau tenter d'y répondre, aucune raison ne lui semblait valable. Certains prétextes lui venaient évidemment à l'esprit, mais rien de bien convaincant. Thaodia n'était pas un endroit où elle se sentait bien. Elle avait bien essayé d'apprendre à connaître d'autres lycans, mais ils ne lui inspiraient aucune sympathie. Pire, elle ressentait une certaine animosité à leur égard. Il lui tardait de rentrer en Oryenna, de retrouver sa terre natale. Elle se fit une promesse : demain, elle repartirait là d'où elle était venue. Elle ne passerait pas une nuit de plus sur ces terres qui ne faisaient qu'attiser son hostilité. Peut-être qu'un jour elle ressentirait le besoin de se lier avec ceux de sa race et d'appartenir à une meute quelconque, mais ce jour n'était pas encore arrivé. Elle avait d'abord besoin d'apprendre à gérer cette nouvelle partie d'elle-même. Bien que les conseils d'autres lycans puissent être avisés, c'était un processus qu'elle se devait d'entreprendre seule. La chose ne serait pas aisée, bien entendu, mais il n'y avait pas d'autres alternatives envisageables. Une vie d'apitoiement et de ressentiment, ce n'était pas une option.

À l'instar de toutes les nuits précédentes, Nylia vagabondait sans trop savoir où ses pas la mèneraient. Elle espérait finir par trouver un endroit paisible à l'abri des regards où elle pourrait se reposer. Il lui fallait bien reprendre des forces si elle escomptait être en mesure de tenir la promesse qu'elle s'était faite. Heureusement, sous sa forme louve, il était fort aisé de trouver quelque chose à se mettre sous les crocs. En ces contrées, le gibier pullulait, et ce, nonobstant le nombre important de lycans chassant sur ces terres. Par contre, elle avait appris à ses dépens qu'il était fortement déconseillé de se risquer à chasser non loin d'un autre loup. Elle avait fait l'erreur de croire que les lycans se respectaient entre eux, qu'ils ne chercheraient pas à nuire à l'un d'entre eux. Elle se montrait parfois si naïve.

Toujours est-il qu'elle devait se dépêcher si elle ne voulait pas passer la nuit à errer en ces lieux, ma foi, plutôt inquiétants. À cette idée, Nylia pressa le pas. Comme pour confirmer ses appréhensions, elle entendit un hurlement sur sa gauche. Elle eut un instant d'hésitation, mais sa conscience était sans appel. Elle lui dictait la marche à suivre sans égard pour le danger que Nylia pourrait encourir. À pas vifs, elle se dirigea vers ce cri qui l'avait alertée. Un cri de surprise suivit le premier pour finalement laisser place à ce qui lui semblait être des bruits de lutte. Tous les sens en éveil, elle parvint rapidement près de la source de toute cette agitation. Ce qu'elle vit alors ne provoqua qu'incompréhension dans son esprit. Nylia avait pourtant cru entendre une voix d'homme... Ce pourrait-il que ce soit cette femme à la robe écarlate qui ait provoqué les hurlements de la pauvre effarouchée qui se trouvait à ses pieds ?

En y regardant de plus près, il apparaissait évident qu'aucune intention malveillante ne se dégageait de l'intrigante femme aux cheveux blonds. Voyant que personne ne risquait de mourir dans l'immédiat, elle pensa retourner par là d'où elle était venue. Seulement, lorsque l'étrangère regarda dans sa direction, Nylia se sentit obligée de se montrer à découvert. Sans hâte, elle s'avança sans poser un regard sur la femme qui se trouvait au sol. Si le danger devait venir de quelqu'un part, ce ne serait certainement pas d'elle. L'autre femme, cependant, avait une prestance inhabituelle et le regard de celles qui n'ont pas l'habitude d'être défiées. Ne cherchant pas le conflit, Nylia décida qu'il était plus sage de se présenter :

« Bonsoir. J'ai cru qu'une jeune femme avait des ennuis, ce qui explique ma présence, mais j'ai bien l'impression que je me suis trompée. Peut-être suis-je seulement arriver trop tard ? Je me prénomme Nylia, au passage. » , demanda-t-elle d'un ton qui se voulait aimable.