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 "Champignons tachetés, réjouissances d’intoxiqués..."

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MessageSujet: "Champignons tachetés, réjouissances d’intoxiqués..."   "Champignons tachetés, réjouissances d’intoxiqués..." EmptyMar 8 Nov 2011 - 23:09

Des arbres millénaires se dressaient à perte de vue, ne formant plus qu’une masse gigantesque, colossale. Cette futaie était étrange. Bien curieuse même. Une brume, onctueuse, crémeuse, toujours s’y installait. Des murmures, des bruissements toujours la parcouraient. Le temps, en ces lieux, semblait relâcher son étreinte. La nuit, le jour. L’obscurité, la lumière. Plus rien ne semblait avoir de prise en cet endroit. Malheur à celui qui s’y retrouverait, par mégarde, égaré. De ceux qui ont put en réchapper émane des vérités, des déclarations, bien biscornues : La forêt susurre, et de sa voix délicieuse, entêtante, vous empoisonne l’esprit et les sens. Des troubles naissent des divagations de l’esprit, conduisant inexorablement au délire. Des maux naissent du désordre des sens, menant irrémédiablement à la ruine de la chair. Au terme d’une agonie, d’une torture dont on ne peut définir la durée, survient pourtant l’émerveillement, comparable à une eau glacée ruisselant sur un corps aux muscles endoloris. Mais de cet éblouissement, les miraculés de cette troublante aventure n’ont pu toucher mot, une expression de profonde béatitude sur la figure leur empêchant toute autres paroles. Au milieu des végétaux, un homme pourtant foulait à pas lourds un sol moelleux, maculée d’une délicate pellicule de cendre argentée. Il errait, silhouette fantomatique au milieu des épineux et des résineux millénaires. Des voix, dans sa tête résonnaient, bruits et résonnances familières issus d’un passé qu’il croyait depuis longtemps enterré. Son corps semblait s’éteindre, pareil à la flamme qui dans l’obscurité vacille, et finit par mourir. Il tournait, encore et encore parmi les arbres. Dans le brouillard total qu’était son esprit, il avait pourtant la nette impression de repasser, encore et encore, devant les mêmes arbres depuis ... longtemps. Pourtant, il s’arrêta, confronté à un spectacle auquel il n’avait auparavant jamais assisté. Un elfe, sur une souche morte était assis. Il portait sur la tête en guise de coiffe, une vielle botte de cuir rongée par l’usure, attachée grâce aux lacets. Il ne portait en guise de vêtements qu’un simple pantalon de tissus, et entre ses dents, était calée une pipe d’une longueur appréciable. Sans aucun doute l’ouvrage d’un artisan nain amateur de … plantes vertes ! Plus déroutant encore, l’elfe fredonnait une chanson, en se balançant d’avant en arrière. D’avant, en arrière. D’avant, en arrière… D’avant … En arrière … La silhouette suivait à présent les mouvements de l’elfe, emporté dans son délire. Puis soudain, plus rien. L’elfe arrêta brusquement son manège, puis posa dans une lenteur extrême un pied sur le sol … Puis l’autre … Il se redressa, se tint debout un instant, afin de regarder l’homme se tenant en face de sa personne. Il tira une bouffée sur sa pipe, et cracha un épais nuage verdâtre et spiralé, à l’odeur âcre, acide.

« Je suis celui qui est venu, qui vient, et qui viendra. Celui qui proposa, propose, et proposera, aux égarés de retrouver le chemin. Celui là même menant à la retraite du nain rond. Mange un champignon, et la route devant toi s’ouvrira. Pour être sûr, prends en deux ! »

L’elfe, en prononçant ces paroles excentriques, farfouilla dans les poches de ses braies, et en retira deux champignons aux reflets bleutés, tachetés de points orangés. Il les tendit à l’âme égaré, qui, sans réfléchir, les goba, net. L’elfe sourit, un sourire jaune d’opiomane, farfouilla de nouveau dans ses poches, sortit de nouveau deux champignons de la même espèce, et les goba à son tour. Il attrapa l’homme entre deux âges par la main, et à présent le guidait à travers la forêt qui leur livrait ses secrets les plus intimes. Des couleurs vives s’insinuaient partout, éclataient tel un feu d’artifice, et coulaient le long des troncs, des feuilles, du sol, de tout. Des rires résonnaient dans la tête de chacun, s’échappant des méandres, du labyrinthe de leur esprit. De petites créatures sans formes distinctes, sans contours, apparaissaient et disparaissaient à volonté autour d’eux. La texture du sol changeait sous leurs pas. Il devenait tantôt solide, tantôt mou. Tantôt se dérobait sous les pieds, tantôt les agrippait, les collait. Les images qu’ils apercevaient se décalaient dans leur champ de vision, rendant leur progression plus lente encore qu’il ne l’était possible. Mais qu’importe. Ils étaient, comme disent la plupart des gens, en plein trip. Au bout d’un moment intense d’égarement, ils arrivèrent, enfin, devant l’entrée d’un bosquet. Sur un arbre, non loin d’eux, était inscrit les mots suivants : « Retraite du nain rond, repaire des égarés, des gens qui rêvent. » Ils entrèrent. Les effets des champignons se dissipèrent, rapidement. Ils pouvaient à nouveau discerner le réel de l’abstrait … Enfin … Façon de parler. Autour d’eux, des gens, partout. Des nains, des elfes, des hommes, de tout. Ils étaient pour la plupart allongés autour de feux allumés, certains autour d’un houka, narguilé pour les intimes. Au dessus des têtes s’élevait un nuage de fumée épais, immense, onctueux. Tous semblaient plus ou moins consommer toute sorte de machins psychotropes, plus ou moins licites, et tous avaient le sourire aux lèvres et le rire facile. Ils semblaient également mués par un sentiment de partage, chacun souhaitant faire éprouver à l’autre ses produits. On pouvait entendre ça et là des phrases ou expressions du genre : « Goûtes moi ça, c’est de l’Angaïlane, production 100% naine ! » ; « Champignons bleus, champignons délicieux ! ». Frerenn ayant fait honneur à la plupart des produits qu’on lui présentait, dansait à présent au rythme des tambours et des chants qui retentissaient entre les arbres, une feuille séchée roulée entre les dents, bourrée de ce que les nains et les humains appelaient « les herbes folles », et que les elfes appelaient « les herbes qui rendent fou ». Il commençait à devenir joyeux. Très joyeux même. Un sourire s’incrustait lentement sur sa face, et y demeura. Déambulant parmi les gens, il finit par s’arrêter devant une silhouette indistincte, et lui tendit sa feuille roulée, fourrée aux herbes !

« Fais tourner. »
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