En plein quartier marchand, dans un bâtiment désaffecté, Eramos ne trouvait pas le sommeil, l'esprit trop occupé par des plans plus ou moins réalistes visant à recruter des jeunes membres pour sa nouvelle guide. Il se demanda même, à un moment, si cet énorme changement dans sa vie ne l'avait pas rendu fou. Tournant d'un côté, puis de l'autre, il ne se serait jamais douté que le combat le plus ardu auquel il aurait prit part aurait été de tenter de dormir. Combattre ces pensées parasites tenait presque de l'impossible. Après plusieurs heures d'insomnie, il décida de se lever. Peut-être que lire allait le détendre ?
Torse nu, il traversa le corridor des chambres et descendu l'escalier qui menait au rez-de-chaussé. Le salon, une spacieuse et luxueuse pièce, décorée à la manière elfique, laissait filtrer la douce lumière lunaire au travers des fenêtres. Il s'assit dans un confortable fauteuil en cuir teint de couleur rouge sombre, comme les rideaux de soie et le tapis. Il prit un allume-feu et créa de la lumière dans la torche sur son bureau de lecture. Le livre portant sur la culture lycanthrope, qu'il avait entamer étant inachevée, il décida de continuer sa lecture, qu'il trouvait extrêmement intéressante. C'est alors qu'il sombra, les ténèbres l'envahissant si vite qu'il n'eut le temps de réagir.
Eramos se souvenait être venu ici. Ses pas le menait vers une direction lui étant inconnu mais il savait où ils le conduisait. Le brouillard épais les cachait mais ça n'arrêtait pas le vieil homme, ne regardant presque pas son environnement. Il était si décidé que même s'il avait voulu arrêter sa marche, il ne l'aurait pu. Les arbres centenaires l'entourant en aurait fait fuir plus d'un. Les branches grisâtres ressemblants à des doigts, longs et crochus, qui tentaient de s'accrocher à la vie passant juste sous leur nez, sans y parvenir. Il y en avait tellement qu'il était impossible de voir à l'horizon autre chose que des troncs: imperturbables et immobiles.
Pour la première fois, le vieil homme stoppa sa marche mais sans le vouloir. Il était prit. Dans quoi ? Il n'aurait pu dire, le brouillard lui voilant le sol. Alors la peur l'agrippa sans pitié. Il n,avait pas peur du mystérieux objet ou être lui empoignant les jambes, non. Il avait peur de perdre le contrôle. Ça, il le savait depuis fort longtemps. Il s'obligea donc à rester calme et d'arrêter de gigoter. Peut-être était-ce des sables mouvants ? Si c'était le cas, le moindre mouvement pour l'engloutir, voir pire ! Il avait tord... C'est lorsque qu'il resta immobile qu'il sentit la force surhumaine le tirer vers ses entrailles. Impuissant comparé à son ennemi invisible, il tenta en vain d'agripper le sol, maintenant disparu, remplacé par le brouillard persistant mais immatériel.
Le noir. C'est ce qu'il vu. Il en eut conscience pour la première fois. Il cru apercevoir l'essence de sa couleur et l'odeur de sa peur. Il en fut paralysé, comme touché par un serpent venimeux. Une brûlure l'étreignit, le faisant si souffrir qu'il cru en perdre la raison. Il tenta de crier mais aucun son ne pu s'expulser de sa bouche. Rien.
Il n'était rien. Rien à comparé à ce flot d'humains, elfes, vampires, lycanthropes, nains... Les nains. Il les voyait, perchés dans leur grande cité qu'était Karad Duraz à plusieurs centaines de mètres dans les montagnes. Il abaissa son regard et ce qu'il vu le répugna. Les petits villages pauvres entourant la cité était en proie à un carnage sans pitié. Il y avait la mort, le sang, la chaire et les gobelins la propageant . C'était la guerre, elle était imminente. Ce seul mot lui donnait l'envi de mourir. Il ressentait toute la souffrance des gens torturés en bas, dans les petits villages maintenant brûlés. Alors, il le vu.
Lui.
Il ne mesurait guère plus que les autres créatures verdâtres mais quelque chose dans son regard le différenciait de ses congénères. L'intelligence brillait au fond de ses pupilles noires aussi sanguinaires et violentes qu'un tremblement de terre. Il était Ogzuk, le chef de guerre.
Eramos s'éveilla, empreint à de terribles sueurs froides. Le matin s'était levé et sa chandelle était morte depuis longtemps. Il savait ce qu'il avait vu. Il avait vu des armes, des gobelins et leur chef. Prestement, il se leva et monta les marches quatre à quatre. Arrivé, il ouvrit la porte de son apprenti, Nathan Winsley.
-Réveille-toi, Nathan. Enfile ton armure et prépare les vingt plus tenaces faucheurs.
-Oui maître... Mais si je peux me permettre, quel est l'ordre de mission pour un si grand groupe.
Les mots qui sortirent de la bouche de l'ancien assassin le brûla jusqu'au plus profond de son âme. Mais il n'avait plus le choix. Des vies étaient en jeu et son devoir l'appellait.
-Nous partons en guerre.