Astralÿs marchait depuis plus de trois heures, son sac sur le dos contenant toutes ses possessions, suivie de sa monture Mélopée. Elle était à pied, car elle trouvait bon de faire un peu d'exercice et n'était pas fatiguée. Le soleil brillait haut, mais grâce à la légère brise printanière, pleines de senteurs enivrantes, la chaleur était supportable, et même agréable. De plus, elle trouvait un cours d'eau ou une cascade où elle pouvait s'abreuver et se baigner sur sa route environ toutes les quinze minutes : la Vallée des Cascades méritait bien son nom.
Le printemps. C'était la saison préférée d'Astralÿs, celle où la vie émergeait et fleurissait, si présente qu'on pouvait même la sentir dans l'air ambiant, la vie demeurant dans chaque brin d'herbe, chaque fleur, chaque animal, chaque grain de pollen... Et toutes ces couleurs ! Le vert tendre ou profond de l'herbe et des arbres, le bleu vif ou translucide du ciel et de l'eau, et puis toutes ces fleurs éclatantes et vivement colorées. Durant cette saison, le jeune elfe se sentait proche, extrêmement proche de la nature, si proche qu'elle se demandait parfois si elle était une elfe, ou bien la forêt, la faune, la flore... Et tout cela lui avait manqué, tellement manqué pendant la période de blizzard qui avait envahi le monde.
Elle sentit la terre forestière devenir humide sous ses pieds nus. Encore un point d'eau qui approchait.... Elle avait faim, et décida de faire une pause.
Cueillant diverses plantes et racines comestibles sur son passage, elle se rendit au point d'eau, et alluma un feu pour faire cuire le fruit de sa cueillette. Quant à Mélopée, elle se contenta de brouter l'herbe fraîche et tendre qui tapissait l'endroit. En attendant que son repas cuise, Astralÿs réfléchit à ce qu'elle allait faire. Elle savait qu'elle irait tout d'abord au village de Lïm, pour y faire quelques emplettes, maintenant qu'elle avait récupéré sa monture qu'elle, soit dit en passant, n'aurait jamais dû laisser ici.. Notamment, elle devait réfléchir à son futur métier. Quelque chose qui lui permettrait de voyager tout en travaillant. Il y avait peu de métiers de ce genre. Aventurière, guerrière, mercenaire ? Elle détestait la violence. Barde, alors... Mais elle était trop timide pour chanter en public. Affamée, Astralÿs se jeta sur le ragoût de plantes qu'elle avait préparé. Elle y avait mis de la menthe et d'autres herbes aromatiques, et le plat était savoureux.
Rassasiée, le jeune elfe se remit en route, en enfourchant cette fois son cerbridé. Elle rencontrait de moins en moins de cours d'eau, ce qui était signe qu'elle approchait de la fin de la vallée.
Après encore une journée de voyage tranquille et sans embûches, Astralÿs parvint au petit village de Lïm. Le soleil n'était pas encore tout à fait couché, et nimbait les maisons de lumière dorée. Une petite plaine d'à peine deux cent mètres d'envergure séparait la jeune elfe des habitations. On voyait quelques fermes minuscules, mais elle étaient rares, la principale ressource de Lïm étant la pêche. Une légère brise un peu fraîche charriait une odeur salée agréable, et on entendait au loin le bruit des vagues. L'océan. Astralÿs ne l'avait jamais vu, puisque ses parents estimaient qu'elle ne devait pas s'éloigner seule de la demeure familiale, et qu'ils se refusaient à l'accompagner aussi loin.
« Mais enfin, tu vois bien que nous sommes occupés ! Tu devrais t'estimer heureuse avec ce que tu as... Tu ne vivrais pas dans un si beau château si nous ne travaillions pas autant, ton père et moi. » La jeune fille soupira.
Rapidement, elle remit sa monture en marche. Elle voulait observer l'océan de plus près avant que le soleil ne se couche. Ensuite, elle irait trouver une auberge.
Elle arriva sur la plage quelques minutes plus tard, émerveillée, et descendit du dos de Mélopée, qui se mit à humer l'air. Le sable blanc et fin était doux sous ses pieds, et il semblait rougeoyer comme si des rubis y avaient été semés, sous les derniers rayons du soleil écarlate. L'elfe recueillit un peu de sable au creux de ses mains, et le regarda s'envoler dans le vent, laissant une traînée brillante dans l'air. Puis, elle s'approcha de l'eau, qui s'assombrissait, envahie par l'ombre nocturne naissante. La mer affluait et refluait, faisant brunir le sable sous elle. Elle y trempa un pied et frissonna : c'était glacé. C'était donc cela, l'océan... Astra se mit à rêver des profondeurs abyssales sous-marines, et des créatures qui pouvaient bien y habiter. Des poissons colorés ? Des coraux, des coquillages ? Des dauphins, et même – son cœur fit un bond – des baleines ? Saisie par la beauté de l'endroit, elle se mit à chanter, se croyant seule.
"Roule, roule, roule,
Dans le coeur des marins..."