Le soleil commence à pointer le bout de son nez. Encore une nuit à ne pas dormir, mes yeux n'ont pas arrêter de regarder cette cascade, essayant de trouver le sommeil dans l'eau déferlante, mais rien n'y fît. Je porte mon regard vers la voûte céleste qui, peu à peu, s’éclaircit. Je peux apercevoir les étoiles disparaître une a une, et à cet instant, je ne pouvais m'empêcher de sourire.
Il est temps que j'abandonne cette vallée pour gagner ma croûte de pain en ville. Je prends mon paquetage, remis mon épée courte à ma ceinture et me dirige vers Ardamir, la cité des elfes. Dans la forêt qui m’amène à destination, je ne pouvais m'empêcher de ressasser le passé dans mon esprit tout en ayant le sourire, comme toujours.
Je plonge ma main dans ma poche et retrouve les quelques écailles de dragons que j'ai pu arracher lors de l'attaque draconienne de la Cité de l'aurore. J'ai aussi entendu parler de ces fameux marcheurs, mais ce n'était pas de mon ressort de les affronter. Le temps passant, j'arrive enfin aux portes massives de la cité. Les gardes de l'immense portique me jettent un regard furtif mais n'interviennent pas. A force d'aller et venir dans cette Citadelle, il doivent me connaître à force.
Dans la rue commerçante, j’aperçois plusieurs bataillons courir à travers la foule qui s'écarte pour leur laisser le passage, je m'arrête quelques instants pour les guetter discrètement sous ma capuche. Cette agitation soudaine est sans doute due à la fameuse « Guerre » contre les lycans, un conflit guère simple. La paix n'est sans doute pas possible entre deux races où l'animosité ancestrale les aveugle. Une fois le calme revenu, tout le monde vaque à leurs occupations précédemment coupées par le passage des soldats. Je me dirige vers la place où j'ai l'habitude de me représenter … Je dépose sur le sol une couverture que je mets en boule pour récolter ma maigre recette puis je place ma mandoline dans mes mains tout en réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir réciter … Forte heureusement, mon répertoire n'est pas bien long.
Enfin décidé, je laisse glisser mes doigts sur les cordes préalablement accordées. Une douce mélopée se propage dans les alentours faisant s'arrêter les quidams qui commencent à écouter. Maintenant que j'y pense … Voilà trois ans que j'ai quitté mon refuge familiale et que j'ai commencé à être un musicien itinérant, et deux ans où j'ai été transformé en vampire, par amour. Tant de chose se sont passées, tant de rencontre, tant d'adieu aussi.
Quelques pièces tombent dans la couverture, me faisant sourire … Malgré la guerre, les elfes aiment toujours autant la musique. Les minutes passent, j'enchaîne plusieurs morceaux en fonction des personnes présentes puis stoppe progressivement la mélodie. Je m'incline devant mes spectateurs tout en appréciant les applaudissements.
Je m'assois sur le rebords en pierre de la petite fontaine tout en comptant ma récompense … Il n'y avait pas de quoi acheter un royaume, mais c'était toujours ça. Il est temps de changer de place à présent. Je reprends mon bardât et me déplace vers Tharbäd. Sur le chemin qui me mène jusqu'au marché, je discerne à travers masse elfique un jeune et frêle enfant assis, recroquevillé contre ses genoux. Sans doute un orphelin de guerre, je m'arrête à sa hauteur et m'agenouille au risque de gêner.
« Je n'ai que ça à t'offrir … Mais cela t'apportera le confort d'un logis temporaire dans une auberge … Je te conseille de te rendre à l'école militaire, Eléänya … Ils prendront soin de toi là bas. »
L'enfant aux oreilles pointues lève légèrement la tête puis me regarde d'un air interrogateur. Je déverse ma piètre fortune à ses pieds. Son visage s'illumine en voyant les vingtaines de pièce d'or, mes lèvres arborent un courir satisfait en le voyant aussi réjoui. Alors qu'il les ramasse comme si sa vie en dépend je lui frotte la tête et me relève.
« Prends-soin de toi. »
Je m'en vais tout en autant songeur à ces conflits qui laisseront des traces irréversibles, surtout à ceux qui n'ont rien demandé.