I - La rencontre

La Lune était encore haute dans le ciel lorsque Elfline partit relever ses collets. La louve Gita trottinant à vingt pas devant elle, l'enfant-lycan arriva rapidement à l'endroit où elle avait repéré les terriers. Elle remarqua presqu'aussitôt sa première victime : un petit lapin gris s'était pris dans le piège mortel tendu par la fillette et était mort étranglé. Elle le ramassa, le mit dans le sac qu'elle avait pris soin d'apporter, remit son piège en place et continua sa cueillette. Elle en ramassa encore deux autres avant de relever la tête, intriguée : le vent lui faisait parvenir les effluves de la meute ainsi qu'une autre odeur, celle-là bien plus inquiétante. La gamine déglutit : elle connaissait cette odeur. C'était la même que celle qu'elle avait sentie deux ans plus tôt, avant le massacre des Lycans qui composaient une expédition que menait ses parents. Elle n'avait pas vu les assaillants, cachée dans son coffre, mais le spectacle qu'elle avait découvert en sortant lui restait encore en mémoire. Craignant pour sa nouvelle famille, Elfline laissa tomber ses collets et courut en direction du camp nomade. Gita courait silencieusement à côté d'elle, muscles tendus, prête à bondir si il le fallait. Mais lorsqu'elle atteignit le campement, il n'y avait plus rien... Pas non plus de trace de batailles. La fillette devina que les Lycans, sentant la menace, étaient partit afin de ne pas risquer un affrontement inutile. Elle se retrouvait donc seule. Encore une fois.

Perdue dans ses réflexions, elle retrouva brusquement ses esprits lorsque la louve blanche sauta par-dessus son épaule. Se retournant, elle retint un cri de peur : la louve était aux prises avec un énorme loup noir. Son pelage rappelait la couleur des ténèbres les plus profondes et ses yeux, rouge sang, luisaient de haine. Gita lui avait attrapé l'une de ses énormes pattes et mordait rageusement, tandis qu'il tentait de s'en débarrasser en fixant la gamine. Il dévoila une rangée de crocs blancs parfaitement monstrueuses et balança la patte. Son mouvement envoya le courageux animal contre un arbre, l'assommant. Elfline resta un instant sans bouger, tétanisée. Lorsque sa louve tapa l'arbre, la douleur et la peur lui donnèrent de l'élan : elle ramassa un bâton et fonça vers le loup. Elle lui asséna des coups aux pattes, sur la tête et sur les flancs.


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Le groupe de chasse Drack n'avait pas le droit d'être là et il le savait. Si le chef de la meute apprenait qu'il avait mené ses compagnons hors du terrain de chasse habituel des Dracks, il se servirait sans doute de sa peau pour retapisser son salon ; mais ça, Aragan n'en avait cure. Un de ses éclaireurs l'avait avertit de la présence d'un groupe de Lycans nomades et le jeune loup comptait bien leur faire regretter de s'être aventurés aussi loin de leur territoire. Il avait donc choisit avec soin ses hommes et était partit en catimini dans la forêt, ombres silencieuses glissant sur les arbres, leurs pelages sombres se confondant avec la noirceur de la nuit. Son odorat bien plus développé sous sa forme lupine, Aragan n'avait eu aucun mal à se guider jusqu'au camp grâce à l'odeur de ses futures victimes. Cependant, il constata avec rage que l'odeur de son groupe était parvenu aux nez des Lycans et qu'ils avaient fui. Frustré, il grogna dans la direction que les loups avaient prise.

Il allait s'en retourner lorsqu'une petite fille débarqua en trombe dans le camp. Elle portait une cape en laine rouge qui la recouvrait des pieds à la tête. Une louve blanche la précédait. Elle ne semblait pas l'avoir remarqué, visiblement trop occupée à chercher ses compagnons. La nuit n'est pas perdue pour tout le monde, songea t-il. Il s'approcha en douce de la gamine et se préparait à sauter lorsque la louve se retourna et l'attaqua. Elle lui agrippa la patte avant et ne la lâcha plus. La morsure ne le gênait outre qu'une piqûre d'abeille cependant. Il secoua négligemment la patte, le yeux toujours sur la fillette et envoya le poids inutile contre un arbre, la laissant à terre. La réaction de la gamine le surprit : d'abord immobile, elle attrapa soudain une branche et se mit à lui taper dessus en criant au lieu de s'enfuir comme il s'y attendait. Il lui envoya un grand coup de tête qui la propulsa deux mètres plus loin. Reprenant forme humaine, il s'approcha d'elle à grands pas, la releva et sourit.

- Je me présente : Aragan Delmar, dit le Voleur d'Âme. Comme tu as démontré que tu avais du cran en m'attaquant, je te laisse le choix : ou mourir ici, violée puis déchiquetée par mes hommes, ou m'accompagner, rester en vie et sous ma protection tout en étant à mon service. A toi de voir.

Il observa les alentours avant de continuer.

- Mais dépêche toi de répondre, la Forêt des Sanglots n'est pas vraiment un lieu idéal pour la discussion, à moins de vouloir la finir dans le ventre d'une de ses "merveilles de la nature".


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Bouche bée, elle se trouva minuscule sous le regard qu'il lui lançait. Elle déglutit et répondit d'une voix que la peur avait rendue tremblante.

- Je... Je viens avec t-toi.

Les larmes aux yeux, elle se tourna vers Gita, toujours inconsciente.

- Je ne peux pas la laisser.. C'est ma meilleure amie. S'il te plaît, laisse moi la garder.

Elle espérait que le Lycan n'était pas aussi féroce qu'il le laissait paraître. Après tout il lui avait laissé la vie sauve non ? Du moins lui avait-il laissé le choix.. Elle jeta un coup d'oeil aux autres loups. L'un d'entre eux lui adressa un clin d'oeil équivoque et elle détourna prestement le regard. Elle se rendit alors compte qu'elle désirait que Melhuin revienne, tout de suite. De lui émanait un sentiment de sécurité qui la rassurait. Elle s'était réellement beaucoup attaché à lui. Il était un grand frère, le remplaçant de ses parents. Une larme roula sur sa joue et elle baissa la tête.

- S'il te plaît...


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La gamine semblait sonnée. Aragan se demanda un instant si il n'y était pas allé un peu trop fort lorsqu'elle répondit enfin. Mais lorsqu'elle aborda la question de la louve, il fronça les sourcils. Il n'aimait pas beaucoup qu'on lui pose de conditions, même indirectement. Malgré tout, il était compréhensif envers la gamine : elle avait peur, elle était seule avec une bande de sauvages et la louve l'accompagnait sûrement depuis sa naissance. Il pencha la tête sur le côté en la regardant : elle ne semblait pas avoir plus de huit ou neuf ans, la cape l'empêchant de mieux l'examiner. Il put voir tout de même qu'elle pleurait en le suppliant. Il eut un sourire triomphant : cette petite ferait tout ce qu'il voudrait. Il la contrôlerait entièrement et ferait d'elle une guerrière, une tueuse froide et impitoyable. Savourant sa victoire, il lui répondit sur un ton doux, un ton de confiance.

- Mais bien sûr que tu peux la garder. Il faudra juste qu'elle soit très obéissante. Et toi aussi. Mais je n'aurais pas à m'en faire n'est-ce pas ? Tu m'as l'air d'être une intelligente petite fille qui tient à la vie..

Il fit signe à ses compagnons, se retransforma et prit la direction du village Drack. Il se retourna pour voir si la petite suivait et adopta un trot léger. Il ne voulait pas rester dans la Forêt avant le réveil du soleil.


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La réponse du Lycan lui donna un semblant de courage et lui rendit un peu de sa joie : elle gardait Gita ! Vite, elle se dépêcha d'aller au chevet de la louve qui commençait à se réveiller et lui murmura des paroles apaisantes à l'oreille. EGita ne devait pas se battre avec le loup. Pas encore. Ou il la tuerait. Une fois qu'elle fut sûre que sa compagne se tiendrait tranquille, Elfline vit qu'Aragan avait repris sa forme lupine et s'éloignait. Elle se transforma elle aussi et courut rejoindre le reste du groupe, suivit de Gita, toujours méfiante. Aragan vérifia qu'elle suivait et se mit au trot. L'enfant-lycan suivit vaillamment le mouvement, malgré sa fatigue. Ils ne tardèrent pas à atteindre un village, caché à l'orée de la Forêt. D'après les marques tribales qu'elle voyait, Elfline en conclut qu'elle pénétrait dans le village des Dracks, ces terribles loups sanguinaires qui n'avaient pitié pour personne.

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II - Au Village Drack