Un tunnel dans la roche, c’était un projet complexe et Orick c’était épuisé à la tâche. S’assoupissant après s’être assis quelques instants pour reprendre son souffle, il avait rapidement plongé dans un sommeil profond malgré la poussière qui s’échappait encore du plafond fragile venant le couvrir peu à peu d’un drap blanc. Les quelques gravas venant parfois tomber sur lui changèrent ses doux rêves en combat. Chaque cailloux étant une nouvelle blessure dans ce combat acharné contre les gobelins, les fantômes du passé apparaissant pour faire ressurgir en lui son passé difficile. Un caillou plus gros que les autres vint le sortir de cette brève inconscience et dans un sursaut il se mit sur ses deux pieds et leva haut sa pioche comme pour parer un coup invisible. Se faisant, il cogna le plafond qui déjà bien fragile s’effondra sur lui. Par chance, seules quelques pierres vinrent s’écraser sur sa tête. Il tituba et se retrouva fesse à terre, légèrement sonné. Il pesta quelques instants en cherchant son heaume et le remit, un peu tard à présent.

Alarmé par le bruit de l’effondrement, un homme apparut à l’entré du tunnel. C’était un nain en armure de fer portant un casque qui ne couvrait que le haut de son crâne, laissant apparaître une barbe longue et noire. Il interpella Orick :
« Tout va bien l’surfaceux ? »

Orick se retourna et abandonna son nouveau travail pour rejoindre l’homme.
« Je crois que la roche se venge de mes coups de pioche Gaste. Je m’demande s’il n’y pas mieux à faire que creuser par là ! »

Orick avait quitté la capitale depuis déjà un bon bout de temps et il travaillait pour le compte de groupes de nains des souterrains dans les territoires hostiles d’Ankor Ungor. Ce nouveau travail avait été subventionné par la famille Hachegrise, piocher un tunnel pour rejoindre leur mine directement. Orick étant tunnelier et ne demandant pas beaucoup en salaire, les Hachegrises avaient rapidement accepté et chargé le cousin du chef, Gaste Hachegrise, de surveiller Orick dans son entreprise et le protéger en cas de problème.

Gaste sortit un petit sac remplit de champignons et invita Orick à faire une pause avant de quitter le lieu pour revenir au village des Hachegrises.
« Prend un peu de champignons, ça te donnera des forces avant de retourner au village.
-Encore des champignons, ça manque de viande et de pain dans vos contrés !
-Je me demande encore pourquoi tu continues à vivre parmi nous l’surfaceux… Tu sembles bien trop attaché aux traditions des collines pour être ici.
-Oui je me plains trop souvent, mais à part la nourriture, ici au moins, je me sens à ma place.
-Et quelle place exactement ?
-Loin du pouvoir des cinq seigneurs des races. Quand je vivais en surface, les seules fois où j’ai eu des soucis, c’est que je travaillais pour des familles proches du pouvoir. »

Les deux nains continuèrent leur repas et Orick se rendit vite compte qu’il n’aurait pas dû ressasser le passé, son humeur devenait mélancolique, tiraillé entre ses divers anciens buts.

Dans les profondeurs d’Angaïla, Ankor Ungor tisse ses réseaux tentaculaires de tunnels débouchant de ci de là vers de plus ou moins grandes zones abritant nains et autres créatures des souterrains. Dans une de ces zones, appelée le trou des Hachegrises, se trouvait Orick, fils de Garick Marteaufoudre, nain des collines. Ce lieu était grand d’un bon kilomètre, large d’une centaine de mètres et haut d’environ trois mètres. Une bonne dizaine de tunnels débouchaient vers le reste d’Ankor Ungor à chaque fois protégé par un poste de garde. C’est en face de l’une de ces sorties que se trouvait la petite case du tunnelier, juste à côté d’une petite auberge où il se trouvait à présent discutant avec le chef du village, Oraste, et de son cousin Gaste.
Gaste sortit une bourse d’or qu’il disposa à côté de la choppe d’Orick. Le chef du village dit alors :
« -Nous avons rejoins la mine d’Est-Poche grâce à ton travail. Je ne pense pas que nous ayons encore besoin de tes services mais si tu soihaites nous rejoindre nous pourrions te trouver du travial dans les mines.
-Je ne suis pas mineur, je pense pouvoir trouver du travail ailleurs même si la paie ne sera surement pas aussi bonne qu’ici. »
Gaste leva sa bière et annonça :
« -A Orick, le surfaceux d’Ankor Ungor ! »
Tous levèrent leur bière et se préparèrent à une bonne soirée à discuter de leurs histoires et leurs familles. Mais Orick semblait maussade, dans l’auberge se trouvait un nain qu’il n’avait jamais vu auparavant dans le trou des Hachegrises. Celui-ci portait un tabar de la cité de Kazad Duraz, que faisait-il dans ce lieu si reculé et pourquoi ne cessait il de jeter de brefs regards sur Orick ?

La soirée s’était fini agréablement et Orick avait même du mal à faire les quelques mètres qui le séparaient de la case qu’on lui avait réservé pour ses services. Il s’approcha de la porte et constata qu’elle était entrouverte. Inquiet en repensant à l’homme qu’il avait vu dans l’auberge, il se souvint qu’il avait disparu de sa table en fin de soirée. Il chercha laissa son casque pendre à sa ceinture mais prit son marteau familial en main et poussa légèrement la porte de la main gauche. Malgré la pénombre son infravision lui permit de voir que l’homme de la taverne était assis sur une chaise à côté de son lit. Celui-ci prit alors la parole face à un Orick prêt au combat :
« -Orick, c’est cela ? Venez donc discuter un moment avec un ami de la famille Souroche. »
La famille Souroche était celle qui avait permis à Orick de redonner honneur au nom des Marteaufoudre et le souvenir de la mort de son ami Karg Souroche lors de la grande guerre d’Ogzuk l’attrista. Mais il n’en baissa pas moins son marteau, il scruta le reste de la pièce et dit :
« -Tu sais qui je suis, présente toi.
-Je suis Lodnar Germolish, un lointain cousin de notre bon Molgor. Après la bataille de Kazad Duraz les héros ont été félicité mais nous n’avons pas retrouvé le représentant de la famille Marteaufoudre ayant servi aux côté d’Athor et du défunt Karg Souroche.
-Cela n’explique pas en quoi vous débarquez si loin de la cité !
-Ma mission depuis ces derniers mois était de te retrouver, cela m’a mené c’est vrai assez loin des miens. Ton histoire fait parti de la grande histoire d’Angaïla et nous allions te nommer Thane lorsque tu as disparu.
-Thane ? Héro du peuple nain ?
-Cela sonne bien et je ne pense pas que tu refuseras une place parmi les grandes familles naines. Tu auras donc une place de choix dans le quartier populaire et ton nom sera gravé dans la roche dans le palais du Molgor. La dernière étape serait certainement que tu te trouves une femme et qu’enfin ta famille retrouve sa place en Kazad Duraz. »

Orick baissa son marteau, il ne s’attendait pas à cela. Il se devait de suivre l’homme de la cité, au nom de ses ancêtres.

Cela faisait plusieurs heures qu’Orick attendait devant le palais du Molgor. A ces côtés se tenait Lodnar, jeune et lointain cousin du Molgor. Ce temps leur permit de discuter l’un et l’autre de diverses aventures qu’ils avaient vécues, l’un parlant de ses missions pour la capitale et l’autre pour sa famille à l’honneur retrouvée. La grand porte s’ouvrit de nouveau, mais cette fois avec une bonne nouvelle, un garde du palais s’avança vers Lodnar et lui dit :
-C’est à vous Lodnar, le Molgor vous attend vous et le chef des Marteaufoudres.

Orick fut surpris par cette appellation, « le chef des marteaufoudres », même s’il n’en restait qu’un… Il s’avança aux côtés de Lodnar dans la salle du conseil et vit le molgor, avec sur les bancs de chaque côtés quelques conseillers prestigieux. Le maître des lieux resta quelques instants sans mot dire tandis qu’un nain aux vêtements de bel ouvrage énonça le nouveau sujet qui allait être abordé :
-A présent Orick Marteaufoudre, aussi appelé Lunefer, pourfendeur de golems, ami des elfes, tueur de géants, frère des Souroches et héro de la guerre d’Ogzuk. Présent à ce jour au titre de future Thane d’Angaïla.

L’énoncé des quelques titres qui avaient été évoqués surpris Orick au sujet des elfes et des géants, car il ne pensait pas que ses aventures avec Ayliän avaient pu parvenir jusqu’à la capitale naine. Il ne put s’empêcher de voir quelques visages agacés par le titre d’ami des elfes. D’ailleurs ami des elfes pour un nain qui n’en connaissait qu’un, cela lui paraissait quelque peu surévalué. Les pensés du nain furent rapidement arrêtée par le Molgor qui prit alors la parole :
-Orick, ta lignée a été sorti des archives oubliées et trône à présent aux côtés des hautes familles de notre belle Kazad Duraz, cadeau de Néhémiah la grande. J’ai beau regarder avec fierté la grande victoire des nains sur les gobelins si fraichement acquise, j’ai quelques peines à voir s’éloigner de notre belle cité les héros d’Angaïla. Chaque nain mort ou vivant ayant combattu durant les différentes batailles doivent être élevés au titre de vainqueur. Je ne saurais oublier les étrangers qui ont combattu à nos côtés, que ce soit les hommes loups de la meute des crocs-noirs ou sans meutes, les soldats elfes d’Ayliän Faën ou les troupes d’Oryenna. Mais mon attention s’est porté sur la famille Marteaufoudre, protecteur contre les Skrunduraz et leurs golems, puis jusqu’à toi, dernier de la lignée, ayant erré ici et là jusqu’à aider les familles de Kazad Duraz et partir guerroyer contre les gobelins, dernier survivant des troupes souterraines de la bataille du lac. Il me semble naturel en ce jour de t’élever au titre de thane d’Angaïla. Acceptes-tu ce qui ne peut être refusé ?

Orick était fier comme jamais il ne l’avait été, il leva son marteau runique et dit :
-Moi Orick, fils de Garick Marteaufoudre, au nom de mes ancêtres, j’accepte cet honneur et jure allégeance au peuple nain.

Le Molgor leva la main et un nain sorti de l’arrière de la salle, il tenait entre ses mains un coussin marron et sur celui-ci un anneau en or. Il s’avança vers Orick et lui tendis le coussin. Retirant son gantelet, le nouveau thane d’Angaïla ne masquait pas son sourire ému et il s’empressa de mettre au majeur cette anneau où était gravé son nom, son prénom et le titre de thane. Un autre nain sorti de l’arrière avec une hache en acier orné de pierres précieuses. Elle allait de paire avec l’anneau et était le signe de son nouveau titre.

Orick se retourna et quitta la pièce mais il fut rattrapé par Lodnar qui lui indiqua l’un des bancs des conseillers. Il s’exécuta et s’assit même s’il ne savait pas trop pour quelle raison. Etait-il conseiller aujourd’hui ? Il allait bien vite comprendre que sa présence était requise pour tout autre chose et que la capitale allait bientôt lui donner une mission bien particulière.
Le nain qui avait introduit Orick s’avança aux côtés du Molgor et sorti son parchemin, à nouveau, et annonça :
-A présent les batailles entre Evanya et Thaodia. Nous savons que la guerre se prépare. La première prêtresse est morte de la main d’un haut membre de la meute des crocs-noirs, celui-ci tué par commandant des armées elfiques, Ayliän Faën. De nombreuses troupes sont en mouvement et une alliance se prépare. Nous n’avons répondu à aucune demande sachant que nos allégeances vont aux membres des deux camps mais cela pourrait devenir difficile si des troupes naines venaient à s’allier à l’un des deux camps.

Le nain se recula à nouveau et alla s’asseoir sur une chaine en retrait. Mognar s’exprima à la suite de l’annonceur :
-Trois de nos alliés, rien que ça, vont se faire face et il y aura des vainqueurs et des vaincus. Les hommes d’Oryenna ont fait mouvement, l’armée elfique, mais aussi les crocs-noirs. Que pensez-vous de cela Jrok Brisefer ?
Un nain en armure à deux places d’Orick prit alors la parole :
-J’ai vu les membres des deux camps dans notre cité, cela ne va plaire à personne mais je pense que les nains n’ont pas à participer. Sauf en terre naine. Je suis d’avis d’envoyer des troupes à la frontière, assez pour que tous comprennent que le peuple nain ne s’abaissera pas à leurs conflits et que les frontières naines ne peuvent être franchis avec pour idée de faire la guerre.
-Mais si des troupes venaient à nous faire face, en bien ou en mal ?
-Tout dépendra de la manière, s’il demande asile, il nous faudra deux lieux, un pour chaque camp. Et entre, nos armées.

Un nain à la barbe grise prit alors la parole sans que rien ne lui soit demandé :
-Pourquoi ne pas déplacer les vieux golems ? Nous pourrions les placer à la frontière et les réactiver si des troupes se rapprochent de notre frontière.
-Galan Bronzebarbe ! Sortez immédiatement de cette pièce, vos mots ne sont pas dignes d’un conseiller de la capitale !

Sur les mots du Molgor, quatre gardes du palais s’avancèrent et accompagnèrent le nain vers la sortie de la salle. Orick fut quelque choqué de cette annonce, de quels golems parlait il ? Mognar reprit la parole :
-Le thane mènera nos troupes, il devra protéger la frontière et il devra être accompagné d’espions et de conseillers. Je veux qu’un appel soit fait, mais ne dépassez pas les trois cent hommes. Lodnar, tu seras aux ordres du Thane, charge toi de rassembler les troupes. Orick, pars immédiatement et va recruter des soldats de la famille Souroche, allez préparer un quartier général au Nord-Est.

Les jours qui suivirent, Orick fit ce qui devait être fait, il mena par delà la statut des guerriers sa troupe et y installa un campement de commandement. Il fut rapidement rejoint par deux cent nains de Kazad Duraz, de divers horizons, avec en tout six chefs représentant de leurs familles. Orick allait assister de loin aux combats qui s’annonçaient et voir ses vieux alliés s’entredéchirer.