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- UN LOUP AVERTI EN VAUT DEUX -

Ils ne tardèrent pas à franchir l’immense porte en bois sombre, palissade protectrice du Palais. Contrairement aux portes intérieures finement ouvragées, les battants extérieurs étaient lisses de tout motif. Comme un gigantesque bouclier rutilant sous la lumière du jour et ténébreux sous la caresse de la lune. Pas infranchissable non mais un avertissement, une invitation quant à la conduite à adopter en pénétrant dans ce lieu. Conduite que connaissait bien évidemment tous les Sang-Chaud qui ne faisaient plus grand cas de ces portes mais pour les novices, il pouvait en être tout autre. Les cliquetis résonnaient discrètement autour d’eux à chaque fois que leurs griffes foulaient l’étrange sol recouvert d’une chape blanche et lisse. Pourtant leurs coussinets ne dérapaient nullement bien au contraire, ils adhéraient parfaitement. A quelques mètres de l’entrée trônait une statue colossale représentant un lycan aux proportions défiant la réalité. Il s’agissait là d’un portrait fidèle du grand Grinak ordonné par Sylviana et réalisé par un sculpteur de la meute. La louve s’inclina respectueusement devant puis passa sur la gauche de son seul et unique chef. Le ton était ainsi donné aux nouveaux arrivants, ils n’avaient plus à se cacher, leur divinité à eux, c’était le Sanguinaire.

- OBSERVE PAR LA MEUTE -

Ils avaient traversé la moitié du territoire intime de Sang-Chaud et croisé de nombreux loups qui saluèrent à la fois leur chef et le nouveau venu. Louxor était revenu avant eux et connaissant bien sa soeur, il avait fait passer le mot quant à une éventuelle recrue pour la meute. Ce dernier n’était toutefois pas visible, il tenait son rôle sans la moindre hésitation. Il faut dire que le dernier lycan extérieur à la meute n’avait fait qu’une brève apparition qui avait laissé un goût amer non pas seulement à Sylviana mais à toute la meute. Les loups étaient ainsi, leur divinité était leur chef et ses humeurs devenaient celles de la meute. Aussi les regards qui se posèrent sur Folker étaient curieux mais teintés de méfiance. Un mâle pourtant de choix dont le pelage particulier scintillait sous les rayons de l’astre nocturne. Le loup était jaugé mais non jugé. Pourtant aucun commentaire ne retentit à leur passage seulement des grondements de bienvenu. Il semblait que la meute l’avait déjà accepté mais qu’en serait-il de leur chef ? Quelques loups les accompagnèrent un peu, se tenant à une distance respectueuse. Les paroles de Louxor avait finalement trouvé oreilles attentives et approbation car l’escorte grandissait à vue d’oeil. On se bousculait, on se chahutait sans jamais porter atteinte au loup bigarré qui suivait la louve noire. Lorsqu’ils franchirent les portes du palais, les autres membres s’installèrent face à l’entrée, certains décidèrent même de prendre leur mal en patience et d’attendre ici le verdict. D’autres regagnèrent leurs pénates, leurs postes et quelques âmes charitables s’assurèrent que les impatients dont les séants réchauffaient le sol ne manqueraient de rien. Des murmures s’élevèrent ajoutant une touche de vie supplémentaire. Les commentaires allèrent bientôt bon train, chacun donnant des pronostiques plus ou moins élevés sur le temps qu’il faudrait au nouveau pour convaincre Sylviana.

- FACE A L’AUTORITE DE SANG-CHAUD -

Sylviana n’eut pas besoin de remettre les siens en place, elle apprécia même grandement leur comportement et les récompenserait sûrement. La louve s’autorisa même un aboiement provocateur destiné aux parieurs qui ne se privèrent pas de lui répondre. Drôle de concert qui fit rire Sylviana enfin, pouvait-on dire d’un loup qu’il riait ? Jetant un coup d’oeil par-dessus son épaule, elle s’assura que Folker l’avait suivi. Satisfaite elle entra sans hésiter dans la Grande Salle. La louve l’invita à prendre place près d’une fenêtre dont la tenture avait été soulevé et le volet gardé ouvert. La lumière diffuse de la lune rendait le lieu mystique et apaisant. Des coussins, édredons moelleux et couvertures chaudes jonchaient le sol, enjoignant à une pause confortable. Plus loin un fauteuil luxueux et une grande table prenaient la pose, leurs silhouettes seules se dessinant dans la pénombre percée ça et là par des rayons lunaires téméraires. Sylviana tourna un moment sur elle-même avant de se coucher. La tête haute et les pattes avant croisées, elle toisa Folker d’un regard inquisiteur. Ainsi placée, elle avait une toute autre allure, ses iris dorées attendant une réponse honnête et entière. Elle allait enfin savoir, étancher cette soif qu’il lui avait communiqué, soif sur ses origines, sa vie et son intention auprès de la meute. Elle ne daigna pas se présenter, il devait comprendre maintenant qu’il avait face à lui, l’autorité suprême de Sang-Chaud.

«  Si nous parlions sérieusement maintenant Folker ? Alors pourquoi Sang-Chaud ? »