Après deux longues heures de marche depuis mon petit village elfique, j'arrive enfin devant la réserve dont j'ai tant entendu parler, et mon coeur bondit dans ma poitrine. Je vois toutes sortes de bêtes, des plus classiques chevaux aux plus magnifiques griffons qui volent dans le ciel. Je n'ai pas assez d'yeux pour enregistrer tout en même temps. Je remarque alors un vieil elfe barbu qui m'observe avec des yeux qui pétillent de rire. Je me sens rougir, je dois avoir l'air d'une gamine qui ouvre des cadeaux un soir de fête, mais j'avance vers lui.
"-Eh bien, jeune femme, vous avez besoin d'aide?
-Je n'ai pas un sou sur moi, mais je voudrais une monture loyale, aimante, et qui rappelle mes origines...
-Lycanes je présume?"
J'écarquille les yeux.
"-Comment le savez-vous?
-Je le sens, dit le vieil homme en tapotant son nez. Très bien, je vous ce qu'il vous faut. Suivez-moi je vous prie."
Ce que je fais sans hésiter. Il m'amène devant un enclos où rôdent de gigantesques loups au regard scrutateur et méfiant. J'avale difficilement ma salive, redresse mes épaules, sors ma dague, pénètre à l'intérieur des terres de ces bêtes et regarde aux alentours. Les Fenrirs sont magnifiques mais je n'ai de déclic avec aucun d'eux. Je m'avance plus profondément dans leur territoire, à l'affut d'un signe, d'un geste, qui trahierai mon futur compagnon de route.
Soudain se dresse face à moi un loup gigantesque, plus grand encore que les autres. Il me fixe, puis mon poignard, puis moi, et en un éclair, il attaque. Je n'ai pas le temps de réagir que, déjà, je me sens percutée par une masse de muscles et projetée à terre. Le Fenrir penche sa tête vers moi et montre les crocs en grognant, son haleine fétide se répandant sur mon visage. J'ai peur. Je ferme les yeux en attendant le coup de grâce. Mais le poids appuyé sur moi se soulève brusquement et je me précipite sur mes pieds, dague en main. Un autre loup, plus petit, d'environ un mètre soixante-quinze au garrot, s'est attaqué au premier. Il découvre ses crocs blancs et grogne à l'autre:
"Va t-en."
Pour une fois, je comprends étonnament bien le message. Celui qui m'a attaquée aussi, visiblement, puisqu'il s'en va, la queue entre les pattes arrières.
Je me tourne vers mon sauveur, car c'est bien un mâle. Ses yeux bleus magnifiques, presque comme les miens, me détaillent avec intelligence. Sa fourrure marron tirant sur le noir par endroits me donne envie de plonger mes doigts dedans et d'y rester éternellement. Ses oreilles poilues m'attendrissent, ainsi que sa truffe noire. C'est lui, lui que je veux, lui que j'attendais. Je tends ma main vers lui et murmure en langage lupin:
"Ami"
Ses yeux semblent s'illuminer de bonheur. Il se baisse sur ses pattes avant pour me laisser monter sur son dos et me répond:
"Amie. Je suis Freki, ce qui signifie avide, gourmand dans une langue oubliée il y a bien longtemps. Cela me correspond, je suis avide de caresses et gourmand de viande bien saignante", dit-il en se léchant les babines.
Je ris. Je suis heureuse. Nous sortons de l'enclos et je cherche le vendeur, mais ne le trouvant nulle part, je m'en retourne dans mon village préparer les dernières affaires qu'il me faut avant de partir à l'aventure.