Arielle sauta souplement sur une roche, atterrit sur cette dernière, glissa, tomba dans l'eau. Remontant à la surface de l'eau peu profonde; à peine deux mètres, elle refit une autre tentative en enlevant cette fois-ci ses bottes qu'elle laissa sur la berge du ruisseau, près des buissons.

La jeune femme tentait de développer ses aptitudes au saut version humaine plutôt que louve, ce qui n’était pas très réussi pour le moment. Disons qu’elle préférait monter aux arbres plutôt que de sauter un peu partout. La louve soupira. Les sujets tournaient dans sa tête. La nouvelle école, les livres pour la bibliothèque, la meute à diriger, les chasseurs…

La louve sauta encore une fois, secoua la tête pour chasser la meute de ses pensées, du moins pour quelques minutes. Elle resauta, atterrit sur la bonne pierre pourtant quelque peu loin pour une distance de saut adéquate, se redressa et… Tomba dans l’eau.

Trempée, pestant contre son manque de vigilance envers ses pieds, Arielle se laissa couler au fond de l’eau pendant une demi-minute, s’asseyant au dessous du mètre qui la séparait de l’air. Remontant à la surface, elle prit une bouffée d’air, puis nagea en eau plus profonde. Heureusement, il n’y avait pas trop de courant en bas de la chute, du moins, là où elle se trouvait.

La louve se laissa flotter un peu, pour replonger, puis finit couchée sur l’herbe au bord de l’eau. Le sourire aux lèvres, elle s’endormit. Lorsqu’elle se réveilla quelques minutes plus tard, il y avait quelqu’un au dessus d’elle. Surprise, Arielle donna un vigoureux coup de pied dans l’estomac de l’individu qui fut propulsé dans la rivière.

Se redressant, la louve se releva et attendit bras croisés que son futur interlocuteur ne sorte de la rivière. Après tout, tous les chiens savent nager.

« Un simple mot de bienvenu m'aurait suffit, vous savez... »

Arielle observa l’homme. Des cheveux mouillés en désordre, noirs de jais, poivre et sel aux tempes, prenant des reflets pâles sous le soleil. Un visage rectangulaire, une bouche pâle et fine, quasi inexistante et cachée sous une épaisse barbe mal soignée. Une dent jaunâtre visiblement cassé en deux. Le lycan avait un regard vif, sous des sourcils baissés, broussailleux, lui donnant un air agressif. Une dizaine d’années de plus qu’elle environs… De beaux yeux bruns-noirs.

Beaux yeux ou pas, il était sur son territoire. Bien sûr, il était dans ses droits de passer au Nord si il n’avait pas d’intentions belliqueuses. Elle était toujours en train de l’observer, bras croisés, lorsqu’à sa grande surprise, il décida de faire de l’humour.

« Vous permettez que je me présente ? Gïlh'Or Rwênoskraj, chef de la meute de Croc-Noir. Enchanté de faire votre connaissance... en tout cas celle de votre pieds. »

Surprise quoi que finalement heureuse de rencontrer un compère, Arielle lui tendit la main pour l’aider à se relever, son air sérieux se mutant en un sourire espiègle. Elle annonça d’une voix rieuse :

« N'avez-vous jamais entendu l'expression '' Ne jamais réveiller un loup qui dors ''? »

La louve était souriante et parlait d’une voix douce. Elle était bien heureuse de rencontrer enfin un de ses compères. Et puis… Elle aimait bien son odeur.

«Je me présente, Arielle Müdrin, chef de la meute de Nord-Bois. Mes pieds semblent heureux de vous rencontrer, pour ce qui est de moi, nous verrons la suite. Pardonnez-moi pour la baignade improvisée, mais vous m’avez surprise. Si je puis me permettre, que faites-vous si loin de votre terre? »

Arielle n'avait pas quittée le loup des yeux alors qu'il parlait. La jeune louve trouvait fascinante sa façon de se mouvoir, de parler. La lumière dans ses yeux. Bref, elle était une grande romantique mais ne le savait pas encore. Elle pencha la tête lorsqu'il lui avoua chercher d'anciens compagnons.

« Je vous souhaite de tout coeur qu'ils soient encore en vie. Si vous le désirez, je vous aiderai de mon mieux à les chercher. »

Alors qu'il 'assit devant elle, se mettant volontairement dans une position inférieure à la sienne, la louve fût troublée. Ils étaient tous deux chefs de meutes, donc de statuts égaux, et cela l'étonna de le voir s'asseoir avant elle, alors qu'elle restait debout. Elle s'assit également, plus par politesse que par volonté réelle d'être par terre.

« Je suis plutôt épaté de rencontrer un autre chef, et une femme qui plus est. Est-ce que... ce n'est pas parfois difficile, en tant que sexe faible, de diriger une meute d'autres loups ? Des hommes doivent continuellement vous rabaisser et essayer de prendre votre place, non ? »

Arielle sourit malgré le côté sérieux de la question. Elle s'étira, puis secoua un peu la tête pour y chasser quelque pensée inconnue. Replongeant son regard dans celui du chef, qu'elle n'avait pas quittée des yeux depuis son arrivée, elle répondit d'un ton amical.

« Non, pas particulièrement. Vous devez savoir, mieux que moi d'ailleurs, qu'une louve alpha fait le même travail que son compagnon dans une meute, alors pourquoi en serait-il autrement si son rôle et celui de son compagnon sont inversés? De nos jours, les femmes font les mêmes travaux que les hommes, et même parfois, mieux qu'eux. Il y a un équilibre, comme dans toute chose. Rien n'est blanc, ni noir. Le monde est fait de nuances de gris... »

La louve inclina la tête, puis, d'un souple mouvement de la main, cueillit une fleur colorée non loin d'elle, l'offrit à Gïlh'or. Elle ramena ses bras autour de ses genoux, puis posa sa tête sur ceux-ci. Elle espérait ne pas être trop vague dans ses explications. Les nains le lui reprochaient souvent, autrefois.

« Tout en passant par différentes couleurs, bien évidement... »

La chef allait poursuivre lorsqu'elle se raidit soudainement. Un grognement sourd sortit de sa gorge, ses yeux étaient fixés sur le chien sombre à quelques mètres d'eux.