Une contrée lycane aussi forte qu'imposante réussit à grandir dans le monde d'Ephaëlya : Thaodia. Malgré les rivalités et les guerres qui ont osé arracher son visage, son identité resta intact. Plusieurs meutes veillèrent sur ces terres comme si leur vie en dépendait ... Mais seulement cinq meutes parvinrent à relever suffisamment la tête et faire face aux actes futurs pour que les autres races puissent les distinguer facilement. Nord Bois, Sang Chaud, Hurle Vent, Drake et Croc Noir. A la différence de toutes les autres, cette dernière meute entretenait une discipline militaire en accentuant par dessus une fraternité solide et un amour sincère envers tout ceux qui portait le nom de cette meute dans le cœur et leur âme. Thorolf n'avait pas de coeur. Mais il lui resta un soupçon d'amour qui l'amena à suivre un étrange message envoyé par un individu sous le nom de "Gîlh'Or Rwênoskraj". Le message expliqua clairement qu'il était au fond du gouffre face à une pénible trahison ... Sa dignité a été battu à mort, mais sa conscience réaliste resta en meilleur forme. Ignorant son état physique actuel, s'il était baigné dans une mare de sang ou non, la marche de Thorolf fut rapide. Après tout, il était entrainé par la curiosité et ... L'idée de voir un des siens. Ce mâle serait le premier lycan que le Colosse rencontrerait après une longue année où il emprunta une route à sens unique dans la solitude la plus totale. D'ailleurs, après avoir entendu sa propre voix lui raconta sa tragique histoire au fond de son crâne, il se rendit compte qu'il n'allait pas échanger des mots avec n'importe qui. Cet individu n'était pas un simple citoyen. Ni même un guerrier. C'était un mâle dominant et responsable qui était bien plus évolué hiérarchiquement.

Voilà bien la quatrième fois que le Colosse se remémora de ce curieux message et surtout de son contenu : un nom, une cause, un endroit à suivre pour le rencontrer ... Et une cible. Un certain "Sheiz Vulcain". Il était si facile de céder à la tentation, de se diriger droit vers ce traître afin de lui faire partager l'information et ainsi en être récompensé ... Thorolf n'eut que faire de ses querelles ... Il réussit dans le passé à survivre de justesse à un véritable carnage. Il était seul, plongé dans une vaste forêt au milieu d'une bonne dizaines de charognes ensanglantées ... Il jura que même la Divinité Sên eut fermer les yeux face à cet événement pourtant si important. Il ne cessa pas une seule fois de marcher, même pour nouer ses cheveux d'un blanc neige en hauteur. Les cliquetis de son armure résonna à quelques mètres de lui ainsi que les armes accrochées à son dos lui donna l'image d'un traqueur sanguinolent ... Et pourtant, l'image ne pouvait pas être plus juste. Son mental en était affecté également car il réussit une fois à ouvrir le thorax d'un vampire avant de plonger sa tête à l'intérieur et commencer à rire tout en se noyant entre les organes et le sang.

Tout au long du chemin, Thorolf prit le temps de se documenter un peu avant cette fameuse rencontre ... Mais à chaque fois que le Lycan cita le nom du chef déchu, les personnes ravalèrent leur langue et lui tournèrent le dos. Les plus fébriles allaient jusqu'à mettre une bonne distance entre eux et Thorolf avant de déguerpir sans se retourner. Le Colosse grogna et se dirigea à contrecœur en direction du refuge de la Griffe Noire. La raison a son exaspération était qu'il n'avait reçu aucune information susceptible de l'intéresser quand aux actions et à la personnalité de Gîlh'Or. Le refuge était haut, la pente était raide, la distance était lointaine ... Thorolf soupira un instant :

" J'attends de toi une raison valable d'avoir fais autant de chemin Gîlh'Or."

Il commença à monter avec difficulté ... Il ne se souvint plus exactement où se situait le refuge. Voilà toute la chance de sa vie qui lui faisait à nouveau face. La sueur commença à briller sur la surface de son front, il ne prit même pas la peine de se nourrir convenablement durant son voyage. Il s'arrêta un instant et prit le temps de regarder le paysage qui l'entourait ...

"Ce n'est pas vrai ... J'aurai pourtant juré qu'il était ..."

Puis aussi soudainement que cela, il remarqua que l'énorme rocher en forme de griffe qui se dessinait paresseusement devant ses yeux était le refuge tant recherché. Il pesta sa frustration en lançant une pierre au loin et reprit la route avec une colère qu'il était capable de maîtriser tout de même. Il continua de monter en faisant le tour de la montagne ce qui lui prit deux bonnes heures. Durant ce laps de temps, il reprit un humeur beaucoup plus calme ... Pour enfin faire face à l'entrée du refuge qui était recouvert avec un peu de neige. Le vent lui fouetta le visage et ses cheveux virevoltèrent dans l'air. Il fit quelques pas et resta un moment en face de l'ouverture. Il put voir qu'un feu vivait l'intérieur et baignait le refuge d'un climat plus chaleureux que la fraîcheur glaciale qui commença à raidir ses muscles.
Thorolf franchit l'entrée d'une manière directe en fronçant les sourcils. Malgré les flammes qui illuminaient les parois, le refuge était baigné dans l'ombre. Il vit une forme bouger ... Il le fixa d'un regard noir et suivi cette forme se lever lentement ... Sa voix entonna d'une voix glaciale :

" Gîlh'Or, mon frère."

Le refuge de la Griffe Noire, bien que sa structure soit préservé dès son origine, resta pauvre en matière de décoration. Mais lorsque Thorolf posa les yeux sur le chef lycan qui se leva avec effort, il eut l'impression que l'atmosphère se raidit un instant pour laisser place à une fadeur jaunâtre et une fragilité qui s'imprégna vigoureusement dans tout l'espace. Il le vit marcher jusqu'à lui en se tenant légèrement courbé... Que devait-il ressentir en ce moment précis ? S'imaginait-il encore les voix du passé, des acclamations devenues de véritables fantômes, s'élever en scandant d'un ton victorieux pendant cette courte marche ? Des voix qui étaient en parfaite harmonie entre le respect, la gloire et le Mâle qui dirigeait la meute ? Le regard bienveillant de la foule, les visages fiers des soldats ... Tout semble enterrer profondément sous des amas de ruines que Gïlh'Or peine à soulever en étant seul. Thorolf sourit faiblement à cette pensée ... Ce n'était pas contre Gïlh'Or, mais contre les êtres qui ont régné à la même hauteur que lui. De contempler un être ayant possédé un statut et une position qui auraient effleurés les cieux sans l'ombre d'un problème ... Pour finalement assister à une chute interminable depuis cette hauteur. De regarder un corps qui s'est écrasé au sol, qui a embrassé la terre dans un mélange de douleur et de honte se relever en quelques minutes. C'était cela que le Colosse admira. Il put lire dans ses yeux que son orgueil ainsi que sa dignité ont été profondément meurtris ... Mais les épaules qui le soutenaient restaient à leur place.

Ecoutant les paroles de bienvenue de son interlocuteur, il acquiesça d'un signe de tête et s'aventura un peu plus profondément dans la grotte. Les cliquetis de ses armes résonnèrent avec discrétion lorsqu'il prit place. En aucun moment il ne quitta son regard féroce sur Gïlh'Or, comme s'il voulait que sa vision le transperce pour pouvoir connaître ses pensées et son histoire ... Oui, Thorolf était méfiant. Après tout, comment ne pas l'être ? Il reçu une lettre dans un endroit désert et fermé à l'abri des regards avec un homme blessé. Rien que ça. Il se retourna en arrière et s'attendait voir surgir des gardes mais ... Rien. Une petite bise caressa le long de son visage comme seul partenaire.

Il tourna à nouveau la tête et toisa du regard les flammes qui rongèrent des maigres branches sèches. Il savait que le lycan blessé était quelqu'un de bien plus raffiné que lui, mais pas au point de lui demander si son voyage s'est réellement bien passé sans une petite interrogation cachée derrière.

"Non, je n'ai pas été suivi."

Relevant la tête, il remarqua que Gïlh'Or s'occupa d'une étrange mixture que Thorolf ignorait totalement. Il vit des herbes à l'intérieur du récipient, mais il ne comprit pas son utilité. Pour lui, le seul moyen de récupérer était d'accepter la souffrance, de l'endurer et d'affronter le temps. Mais cela ne regardait que lui. Il savait que Gïlh'Or attendit sa réponse sur sa décision ... Mais il ne pouvait pas la partager aussi rapidement. Les deux lycans devaient d'abord se connaître et vu qu'il n'avait pas plusieurs années devant eux pour s'en occuper ... Il fallait accélérer la confiance. Il ouvrit dans un premier temps les lèvres et marqua un silence ... Puis doucement, il choisit ses mots avec un soin particulier :

"Je ne suis pas habitué à être franc, sauf quand je tue. Mais toi, un chef déchu mérite d'entendre mon histoire. Pas en honorant ta valeur d'autrefois,
mais parce que nous sommes à la même hauteur cette fois-ci. Nous sommes égaux. Nous sommes semblables. Et je vais te dire comment : je suis un lycan, féroce mais loin d'être invincible. Dans tous les cas, je suis né par le combat. Mon défunt père, le chef de la meute Gunnar, m'a sauvagement brutalisé en m'ouvrant la peau jours et nuits durant des années pendant que tu étais destiné à prendre place sur ton trône avec une femelle amoureuse et un doux foyer. J'étais encore un faible louveteau lorsqu'il m'ôta un œil ... Toi, tu as sûrement acquis cette épée comme un présent de ta digne personne. Heureusement, c'était un geste remarquable de sa part pour faire de son fils, une machine à tuer, une puissance dans les rangs de la famille Gunnar. Le parfait protecteur."

Thorolf sourit sincèrement avec une pointe de folie dans ses yeux. Il continua son monologue abracadabrant en haussant une voix plus dure :

"Mon père était un génie. UN GENIE ! Mais je ne l'avais pas encore compris ... Fou de rage et de vengeance, je voulais m'occuper de son sort. Cela m'a coûté des années de travail clandestin chez un forgeron humain raciste. Peut-être que de ton côté, tu commençais à gouverner les tiens dans la fameuse paix que tu as cité et le sourire ne se détacha pas une seule fois de ton visage. Mais revenons-en à moi, lorsque je suis revenu auprès des miens, la colère au cœur et la revanche dans la peau pour enfin achever mon père ... Mes frères et mes soeurs gisaient le museau ouvert et les yeux crevés dans une mare de sang aussi étroite que l'esprit de Drake en personne. Mon père avait le cou tordu, sa colonne vertébrale embrassant la lumière du jour. Et ma mère empalée devant la caverne, les pieds dans le vide et le regard éteint."

Le colosse se mit à rire nerveusement ... Il fixa l'ancien chef de Croc Noir d'un air complètement dément et féroce mais le ton de sa voix était devenue suave et glaciale :

"Je devrai être fou de douleur ... Crier l'injustice qui nous sépare de toi à moi ... Je pourrai ... Oui je pourrai t'entailler ici, ici et encore là", dit-il en traçant l'air avec son doigt à quelques centimètres de Gïlh'Or qui conserva tout son sang froid. Transpercer ces magnifiques yeux que tu portes dès ta naissance pour les dévorer devant ton aveuglément et ta douleur, puis laisser mon estomac les rejeter avec grossièreté avant d'écraser les restes en utilisant mon pied.

Soudain Thorolf se mit debout mais Gïlh'Or anticipa le mouvement et leva son épée. Sa poigne était sûre, il comptait frapper à la moindre bavure. Malgré cela, le Colosse s'approcha avec douceur de lui pendant que le chef recula à la vitesse du pas.

"Tu veux savoir ce qui nous rends si semblable ?"

Le Colosse s'empara gentiment de sa hache mais ne la leva pas encore. Un air de défi fût lancé par son interlocuteur, il lui ordonna de ne plus avancer. Thorolf n'écouta pas le conseil avisé.

"Frappe-moi ... ou je frapperai avant toi."

Il leva sa hache au-dessus de sa tête, l'acier luisait dans la pénombre ... Tout de suite et avec la force d'un guerrier, Gïlh'Or le frappa au bras avec sa lame. Le coup partit si vite que Thorolf n'eut à peine le temps apercevoir la lame se diriger vers lui. La douleur fut tellement cuisante qu'il n'espéra pas voir le Chef décharger sa furie contre lui. En effet, Gïlh'Or commença à frapper son visage tatoué en utilisant le manche de son épée. Après le troisième coup, Thorolf parvint à retenir les bras de son adversaire et de le bloquer contre la paroi rocheuse en usant de son poids. Gïlh'Or se débattait avec frénésie, cherchant une faille pour employer une dernière contre-attaque qui achèverai le Colosse et son audace.

"Eh ! Argh ... Calme-toi ! Voilà, voilà, c'est ça ce que si nous rends si semblable, Frère !"

Tout en retenant Gïlh'Or, Thorolf lui murmura le plus sérieusement du monde :

"Tu es devenu quelqu'un de plus violent qu'autrefois ... Alors que moi, quelqu'un de plus posé que dans le passé. Regarde, entrevois l'équilibre que nous portons ... Tu as acquis en bestialité. J'ai acquis en "humanité", disons dans la parole au moins. La vérité ... C'est que je n'ai pas envie de te tuer."

Cette dernière phrase fit stopper net les bousculades de Gïlh'Or. Ce dernier le regarda avec un air de méfiance et de suspicion. Thorolf se détendit peu à peu et fit un bond en arrière pour s'écarter de l'ancien chef des Croc Noirs. Bien que celui-ci était faible, ses coups restaient meurtriers et il préféra éviter de se ramasser inutilement. Un filet de sang serpenta le long de la tempe du lycan. Il vit que Gïlh'Or ne sût quoi dire face à cette mascarade voulue, à cette stratégie et à cet affrontement mental.

"Reprenons place ... Et narre-moi l'histoire de ta trahison ainsi que ce que tu comptes faire par la suite."

La petite stratégie de Thorolf avait fonctionné. Les deux lycans se considéraient avec plus de respect et moins de méfiance qu'il y a quelques minutes en arrière. L'ambiance se détendit peu à peu au fur et à mesure que Gïlh'Or conta son récit en détaillant bien la situation qu'il a dû faire face ainsi que ses impressions personnelles. Tout en buvant ses paroles, le Colosse était à moitié couché sur le sol rocailleux en s'appuyant sur son coude. Malgré la faible distraction qui s'empara de lui, c'est-à-dire de jeter quelques petites pierres dans le feu, il ne perdit pas le fil et retint chaque mot prononcé par son associé. Il leva la tête d'un air un peu déçu lorsque celui-ci exprima avec fermeté que la bête qui sommeille encore en lui n'influencera pas ses actes, ni ses décisions. Hormis ce détail, Gïlh'Or avait tous les éléments pour être un puissant gouverneur. Sa diplomatie était facile à avaler, il arrivait à capter l'attention sans aucun problème, même envers ceux qui n'aimait pas cette méthode. La preuve était faite avec Thorolf, ce dernier n'aimant pas spécialement parler autant. Mais son intérêt ne s'éteint jamais.

Le sang ruissela timidement contre sa pommette. Il manifesta une totale indifférence sur cette blessure, elle n'était pas assez mortelle pour endolorir sa conscience une fois de plus. Puis il leva les yeux lorsque Gïlh'Or explique qu'il fût humain lors de sa jeunesse. Cela n'affecta pas la vision qu'il avait de lui ... La pureté n'existait pas chez les lycans, même si Thorolf était né dans les bras de cette race, cela ne faisait aucune différence entre lui et le lycan blessé. Excepté peut-être le contrôle qu'il a sur sa bestialité. Mais là encore, l'ex- Chef n'était plus tout jeune. Il a mené sa meute avec force, encouragement et réussite. Sa vision des lycans étaient intéressants ... Effrayé dans un premier temps par ses animaux carnivores et fiers, l'ironie du destin la guidé jusqu'à les crocs de l'un d'eux.

Lorsque Gïlh'Or prononça le mot de "Croc Noir", les yeux de Thorolf se mirent à briller. Croc Noir ... La meute dont il voulait en faire partie, une meute remplie de discipline, d'enseignements, de fierté et d'un régime militaire solide. Gentiment, il s'assit à nouveau en posant ses avant-bras épais sur ses genoux.

"Croc Noir dis-tu ..."

Son intérêt était capté par ces deux mots. Voilà longtemps qu'il recherchait cette meute, qu'il désirait au moins renouer un semblant de complicité et de loyauté à cette meute qui devait être habitué aux atrocités de la guerre. Le problème, c'est qu'il ne sût jamais quand et comment intervenir. Thorolf ne pensa pas encore quitter son rôle de traqueur ... Pourquoi donc ? Car il était très bon à ce jeu-là. Il ne savait que humer une piste, se renseigner, interroger, trouver la cible, torturer puis tuer. Et cela gratuitement, bien qu'il accepte rarement de l'argent pour subvenir à ses maigres besoins. Bien que plus lent que les autres lycans, toute sa puissance se reposait sur sa force physique. Il n'eut encore jamais rencontré quelqu'un qui a su gardé sa langue pendant que le Colosse l'interrogea avec une amour violente et sadique pour justifier ses fins. Mais il n'était pas dupé, il savait que si Gïlh'Or reprendrait le pouvoir, les combats se calmeraient ... C'était le seul défaut qui lassa l'animal aux cheveux blancs. Autrement, Gïlh'Or avait toutes les notions de devenir un symbole au rang des lycans.

Son histoire ne se termina pas pour autant. Il raconta le point critique de sa chute, la trahison qui l'a amené à souffrir en silence dans ce refuge, probablement écarté du monde pour un temps. Thorolf pesta une injure après avoir écouté jusqu'au bout comment ce Sheiz prit le pouvoir. Ce n'était pas digne d'un réel lycan, mais d'un chiot sans saveur. N'y avait-il pas de juste milieu ? Gïlh'Or mettait en avant les principes d'un réel dominant de meute en y appliquant des valeurs de justice et de loyauté, mais il manqua de méchanceté au point de devenir impitoyable au combat aux yeux de Thorolf. Tandis que ce fameux Sheiz Vulcain avait tous les attraits d'un guerrier qui osait sourire à la mort, bien qu'il ne le connaissait pas encore ... Mais il a démontré une lâcheté sans pareille et nauséabonde au cours de ce combat. La meute Croc-Noir ... Gouverné par ces deux personnages aux atouts bien plus que différents. Il se demandait ce que pouvait réellement ressembler cette meute à partir de maintenant. Gïlh'Or a tout de même remporté une victoire face à lui ... Une fois prêt, il pourrait en remporter une deuxième. Peut-être ... Mais les chances n'étaient pas si inexistantes que cela. Il y avait de l'espoir. Le Colosse répondit par l'affirmative :

"Tu désires reprendre ta position de Chef ... Soit. Je respecte ta décision. Mais en retour, qu'est-ce que je gagnerai ?"

Thorolf n'était pas quelqu'un de facilement manipulable ... Il porta aux choses un regard neutre alors que d'autres que lui auraient réclamés avec énergie et confiance ... Pouvoir, argent ... Ce sont des termes que Thorolf n'afficha pas un réel intérêt. Il voulait suivre un rôle en respectant ses manières de combat. Pour lui, un bourreau était bien plus valorisant qu'un prince. Un interrogateur carnassier, bien plus beau qu'un loup du savoir. Mais il douta que Gïlh'Or eut compris que Thorolf n'allait pas s'occuper de la cuisine pour une future meute.
Le sang de sa blessure s'était prolongé jusqu'à son cou. Des gouttelettes de sang tombèrent et fracassèrent leur crâne contre le sol poussiéreux. Il vit Gïlh'Or lui tendre un petit tas verdâtres qui ressemblaient à des feuilles écrasées. Sous le regard étonné de Thorolf, il expliqua avec exactitude que ce n'était qu'un remède. Le Colosse marqua un temps avant de le prendre ... Il n'en avait pas bien besoin, ou dû moins il ne jugea pas cela utile dans l'immédiat. Il haussa simplement les épaules et prit le contenu dans sa main. Il ramena sa paume et les feuilles écrasées contre la plaie légèrement ouverte. Il approuva d'un signe de tête en guise de remerciement et partagea le même sourire que son interlocuteur. Il comprit qu'il commença à le vanner avec une certaine courtoisie sur leur précédente courte lutte. Il répondit d'un ton sarcastique mais avec un air de bienveillance :

"J'ai aussi entendu dire que des têtes pouvaient rouler à l'intérieur du refuge si la même dérision se répétait trop souvent."

Un sourire s'étira au coin des lèvres de l'animal blanc. Mais ce sourire ne dura qu'un temps. Il devait aussi réfléchir et être sûr de sa prochaine décision. L'ampleur et la délicatesse de cette situation étaient une chose dont il ne fallait pas surestimer. Si Thorolf rejoignait Gïlh'Or, cela voudrait dire qu'il rencontrerait bien plus d'ennemis qu'auparavant et qu'il devrait se mettre à la même hauteur que la position actuelle de Gïlh'Or : autrement dit, pas bien haut ... Il se demanda si le lycan qu'il avait en face de lui avait encore du pouvoir et de la notoriété ailleurs. Dans tous les cas, les prochaines tâches risqueraient d'être ardues ...

Il n'attendait pas à ce que cette rencontre soit aussi importante et délicate au point de pouvoir chambouler le rythme de sa vie ainsi que son avenir non-tracé de cette manière ... Malgré la mauvaise fortune et la richesse actuelle de l'humain, Gïlh'Or avait ce pouvoir. Et ce pouvoir ne devait pas être sous-estimé, car en l'utilisant, l'ermite pouvait donner un but, une cause et une vision d'un futur prometteur. Les effets qui suivent ces promesses et ces idéaux accentuent un moral d'acier, une foi inébranlable et une force nouvelle qui ne désire qu'à être baptiser par deux lames qui se heurtent pour la première fois l'une contre l'autre tout comme deux visages qui se rencontrent par amour. Mais joindre une cause était aussi synonyme de devenir une cible aux yeux de ceux qui ne partagent pas cette même croyance. Thorolf n'était pas intimidé par ce dernier point. C'était plutôt avantageux pour lui, car une augmentation des ennemis signifiaient un accroissement de diverses choses ... Rivières de sang, cadavres mutilés, armures brisées et bien d'autres choses encore plus exquises que renfermait la beauté de la guerre.

Gïlh'Or parvint à deviner le ressenti et les impressions du Colosse sans que celui-ci ne dit rien. Peut-être que l'humain eut vent des "clients" qui envoya l'animal blanc dépecer et éviscérer des êtres-vivants sans un seul remord et bien entendu ... Tout cela gratuitement sans une seule récompense à la clé. Une tuerie juste parce qu'on lui a demandé de le faire. C'est ce que Thorolf aurait pensé si Gïlh'Or vivait encore au sein de son ancienne meute, mais dans ce refuge si éloigné du monde extérieure ... C'était toute autre chose. La différence était grande.
Mais il capta dans les phrases de son interlocuteur que celui-ci voulait lui faire comprendre une chose ... L'argent peut rendre la vie plus aisée. Et d'un autre côté, Gïlh'Or insista sur l'importance d'un rang élevé. Il voyait cela non comme des conseils avisés, mais plutôt comme des conseils de bienvenue. En d'autres termes, un homme dans sa position actuelle avait besoin d'argent pour subvenir aux besoins de sa prochaine meute et de lui-même, et bien entendu avoir des partenaires digne d'un réel confiance cette fois-ci et qui occuperait fidèlement les postes les plus responsables.

Thorolf fit un signe de la tête comme quoi le message était clair. N'ayant pas vécu dans une meute "normale", Thorolf avait beaucoup à apprendre sur la hiérarchie et sur les besoins d'une meute aussi soudée que réelle. Il guetta l'état de Gïlh'Or lorsque celui-ci avala son remède, mais les effets ont dû être assez forts pour que l'ermite les ressente aussi rapidement. Puis, ce dernier fit une proposition à Thorolf. Celui-ci ne s'attendit pas à ce que le choix lui revienne ... Il y avait tellement à dire et pourtant si peu de choses à accomplir. Un poste avancé lui tendait les mains si sa candidature était accepté dans le monde d'Ephaëlya jusqu'aux entrailles même de Thaodia. Il baissa la tête en guise de remerciement aux sages paroles de son compagnon. C'était un présent honorable et étonnant ... Thorolf n'en avait pas l'habitude, il marqua un long silence et se sentit mal à l'aise durant un instant. Quelqu'un lui donnait la possibilité de choisir au Colosse. C'était une affaire ! Lui qui n'avait comme vocabulaire que celui d'un véritable traqueur ...

Guetter, suivre, tuer. Accomplir l'objectif, éliminer la cible ... C'est tout, il n'y a rien ensuite. Et pourtant Gïlh'Or voulait que le lycan repousse ses limites ... Thorolf devait réfléchir un instant ... Et surtout savoir s'il serait prêt à un tel changement dans son quotidien.

"Pour le moment, mon désir serait de veiller sur toi. Tu as été une icône aux yeux du peuple, tu ne manques donc pas d'ennemis désormais. Lorsque tu seras de nouveau sur selle, nous pourrons parler de mon désir le plus cher."

Thorolf renifla légèrement et tendit le bras en direction de Gïlh'Or, la main ouverte. Les dés ont été jeté. La proposition du lycan était sincère ... Il pouvait gagner énormément de choses en rejoignant cette cause, même si elle était très appauvrit en ce moment présent. Mais peut-être que les horreurs du passé seront décimés par les actes d'un futur prometteur ...

"Qu'en dis-tu ? "

Thorolf se sentit un peu confus dans ce qu'il venait de dire, la décision qu'il entreprit de suivre jusqu'au bout ... Car même en étant un meurtrier funeste, la fidélité qu'il pouvait éprouver vis à vis de sa race ne pouvait être modelé facilement. Au contraire, son amour pour sa propre nature était titanesque. Mais ce fût la manière de ressentir le poids de cette décision, plus particulièrement le visage caché de cette situation qui le mit un peu mal à l'aise ... Thorolf, après avoir percé la chair de nombreux êtres de toutes sortes jusqu'à les envelopper d'une sinistre agonie et se concluant par une mort atroce, jura d'aider son prochain. C'était quelque chose.

Il vit clairement que son étonnement était contagieux ... Gïlh'Or l'exprima aussi bien que lui. Mais ses mots furent rapides et compatissants. Il lui expliqua également l'image qu'il avait du Colosse ... Thorolf haussa les épaules en regardant en l'air. Cette remarque était la plus justifiée au monde. Il est clair que le vieux lycan de 50 ans n'allait pas commencer à apprendre les règles étroites de la séduction. Non, l'intimidation et la persuasion étaient ses outils qui marchaient le mieux ...

Distraitement, il regarda par-dessus son épaule en direction de l'entrée du refuge. Un autre lycan y était entré. Il n'avait qu'un oeil, portait une armure épaisse et des armes lui recouvraient le dos. Thorolf le connaissait ... C'était son fantôme qui a été retranscrit par son imagination. Ce Colosse était entré dans ce refuge la haine au coeur, hésitant encore à achever un lycan blessé ou de trouver une cible à abattre pour donner un but à sa vie et échapper à la folie de son passé. Une victime insignifiante hantée et guidée par des anciennes images. Gïlh'Or éveilla en lui tout ce qu'un lycan avait de plus beau dans sa nature la plus profonde en un seul geste.
Malgré la misère et les douleurs qu'il a dû confronter seul, un sentiment aussi intense qu'une furie mêlé à un état stoïque avait gardé son sang froid jusqu'au bout ... Sauf peut-être lors de la petite lutte, mais là encore, il surprit Thorolf. Cette pensée lui fit rire ... les coups reçus lui firent du bien : il y avait encore des lycans qui renonçaient à la pitié et qui acclamaient la mort par l'épée. Lorsque Gïlh'Or détailla sa perception sur le Colosse, celui-ci s'exclama en ricanant :

"Hahaha, soyons ennemis dans ce cas et voyons si je ne suis pas aussi bestial que cela !"

Mais il ne dit plus rien, car même si Thorolf avait du mal à le concevoir, Gïlh'Or disait vrai. Malgré sa colère, il gardait encore un amour naturel pour la race lycane ... Un amour dont il ne pouvait être sûr si elle était partagé pour les autres races.

Soudain, un pigeon noir fit irruption dans le refuge et voleta au milieu de ses yeux avant de se poser sur les genoux de l'ermite. Celui-ci parcourra les quelques lignes qui étaient inscrites dans le parchemin et redressa un visage rayonnant. Entre le rire et un ton agréable, il annonça que sa candidature a été accepté. Thorolf baissa la tête d'un air très sérieux, signe d'un respect profond envers le nouveau chef. Mais son sourire revint et particulièrement lorsqu'il lu avec attention le contenu de la lettre.

" Frère, je suis sûr que tu porteras l'emblème de Drack aussi bien que lui."

Il se massa les poignets et vit l'oiseau repartir derrière lui, non sans avoir picoré ce qu'il put trouvé dans le refuge. Assister à une naissance d'une meute était quelque un spectacle réjouissant, surtout lorsque la personne concernée a le pouvoir ultime de le mériter humblement. Mais le fait d'écouter la voix de l'ermite entonné avec foi qu'il voudrait que Thorolf, un tueur sociopathe, devienne un Maître de Guerre ... C'était quelque chose. Le Colosse regarda Gïlh'Or et ... Il remarqua qu'un signe de tête n'était pas suffisant pour exprimer son contentement le plus franc. Il entrouvrit les lèvres et déposa quelques mots :

"Merci ... Tu m'honores."

Rapidement, il comprit que le temps était venu de quitter le refuge et de retrouver Thaodia sous une nouvelle bannière : celle de la meute de Drake. Thorolf se mit debout et attrapa l'avant-bras du nouveau chef pour l'aider à se remettre sur pieds. Voyant que les bagages n'étaient pas énormes, il prit un sac de vivres et une gourde à moitié pleine d'eau pour alléger au mieux son nouveau compagnon. Gïlh'Or prit les devant et le Colosse suivit ses traces. Thorolf avait assisté au carnage de sa meute, impuissant ... Et là, il participa à une naissance d'une meute solide qui partageait son amour envers les siens ... Et le plus drôle dans tout cela ? C'était qu'il était tout autant impuissant.