1er cycle de Kandintia, Mortaeï de l'An 245
Runar réprima un grognement tout comme l'envie de déguerpir à courtes jambes. Il ne se sentait aussi à l'aise qu'un vampire à la plage à midi...
La raison de ce malaise ? Sa moitié, la matérialisation de sa personnalité. Le plus fidèle de ses amis qui jamais n’aurait l’audace de trahir sa confiance, son dur et solide marteau. Faute d’un grognement il marmonna des mots à l’allure de jurons qui se perdirent dans sa barbe à jamais. Cette arme, don subtile de sa chère mère, était son bien le plus précieux sans autre équivoque que son bouclier lui-même présent dans son dos, tintant à chacun de ses pas sur son plastron.
Il n’avait certes pas pour habitude de se séparer de ces deux amis, mais là tout de même son armure, aussi discrète qu’une perle blanche sur du velours noir, lui semblait lourde à porter. Pourquoi un nain, un guerrier nain, éprouvait tant de mal être à n’être que lui-même ? Cela était probablement dus au lieu qu’il traversait ! La grand Hall du palais de Kazad Duraz, avançant droit sur la grande porte qui le séparait du Grand Molgor Mognar Ô Germolish. Pas exactement de son fait, la cause était en fait cette missive glissée dans sa ceinture, l’invitant à rencontrer le Ô Molgor pour la mission d’escorte en Oryenna. Une mission dont il avait déjà eu vent par des rumeurs, puis par son frère, Chef de la famille des Ô Chante-Roche, qui lui avait demandé de porter les intérêts de leur famille au-delà des frontières. Ce qu’avait accepté Runar qui en arrière-pensées s’imaginait déjà voyager où nul nain n’était jamais allé. Digram, lui, disait dans c’était du piston et rien d’autre et que ça n’était là qu’une occasion de se dégourdir les jambes ailleurs que lors des rondes. Du bon sens se cachait derrière le visage bouffi par trop de viande et de bière qui avaient su se montrer juste avec l’intégralité du corps de ce nain. D’où le fait qu’il rechignait à faire ses rondes et que l’idée de marcher plus loin que ne voyait le faucon le faisait suer rien que d’y penser. Heureusement, Runar avait su se montrer persuasif pour parvenir à se faire accompagner de se fier guerrier plus fourbe qu’il ne le laissait paraître.
Oui mais c’était là encore qu’un accord officieux tant que le Grand Molgor ne lui avait pas confié lui-même la mission. Et nous en revenons donc au malaise de pucelle qui habitait Runar Ô Chante-Roche. Il allait se présenter devant l’incarnation du pouvoir incontestable des nain, il allait se présenter arme à la ceinture…
Quel affront ! Son père devait s’en retourner sous sa montagne où briser les chaines du silence de ses cris là-haut aux côtés du Forgeur Celeste… Les longues heures d’éducation qui avaient gravé dans la paroie de son crane les règles, les us de la bienséance lui criaient qu’il allait droit au gibet en osant ainsi se présenter. Mais oui mais voilà, la missive stipuler clairement « venir te que vous êtes ». Et qu’était Runar sinon un guerrier ! Que tout être osant présente le contraire soit battu sur l’enclume de Morwën, Runar était un guerrier jusqu’au plus profond de son âme et l’ordre, car c’était d’un ordre dont il s’agissait, était clair.
Ainsi pris dans l’étau, Runar avait longuement hésité entre s’en tenir aux bases de son éducation ou à respecter ce qu’il était aujourd’hui. Et en fin de compte il portait son arme.
Mais tout de même… Il était trop tard pour faire marche arrière et la boule qui s’était lotît dans son estomac se faisait de plus en plus lourde. Trop tard.
Passant à travers la salle où une quantité de nains non négligeable s’affairait à faire vivre le palais et Kazad Duraz, il se retrouva face à la porte qui semblait destiné à un dragon. Sales bêtes…
Les gardes en factions posèrent sur lui un regard lourd et écrasant passant de son marteau à son visage. Ne laissant pas la pression monter plus que nécessaire, Runar tira la missive de sa ceinture et la tendu au garde le plus proche. Bien que Runar soit lui aussi soldat, les gardiens du Ô Molgor étaient tout de même rudement impressionnant à ses yeux. Ils ne logeaient pas à la caserne comme le reste de l’armée en faction à Kazad Duraz et semblaient cultiver le mystère sur eux. Le Garde lu la missive, observant minutieusement l’authenticité du sceau du Molgor. Une bonne minute passa avant qu’il ne retende le papier au nain qui s’engouffra dans la porte qu’on lui ouvrait…