Quelque part dans la Forêt des Sanglots, en Thaodia...

Ahem.

Ahem, ahem, ahem.

Non pas que Prat'Chet ait peur de ce... silence pesant, non. Non plus qu'il se soit perdu, ou qu'il ne sache pas du tout où donc il pouvait bien être. Disons seulement qu'en sa qualité d'esthète, il appréciait a sa juste valeur la désolation toute baroque des lieux, son absence absolue de bruits ou de vie, cette ambiance morbide...

Tout de même... Il n'aurait pas imaginé qu'il finirait en Thaodia. Il était parti du Lac des Mystères, après la résolution de la quatrième mention du Concile Élémentaire (soi dit en passant, il y avait laissé quelques poils de barbe), et se dirigeait vers le Marécage des Torturés, où devait l'attendre les Maitres Éléments en charge de la première mention. Il s'était décidé a passer par l'Égorgeur de Dragon, mais rétrospectivement, c'était là sa pire erreur depuis bien une trentaine d'années...

D'après ses lointains souvenirs de géographie, il devait être dans la Forêt des Sanglots. Normalement. Un triste nom, pour un triste lieu. Si cela n'avait tenu qu'a lui, il aurait baptisé les lieux tristes avec des noms drôles. Du genre "la Forêt des Entubés". Mais bon, ce n'était que son avis personnel, et il se doutait bien que les cartographes se foutaient bien de ce genre d'avis.

N'empêche, si il s'était perdu dans la Forêt des Entubés, il ne serait pas tant effrayé par ce genre d'arbre.

"Foutue forêt ! Allez, Prat, on se reprend, t'as 170 ans ou merde ?"

Il redoubla d'ardeur dans ses pas et se mit a chanter (bon, a beugler) une chanson paillarde naine. Autant dire que même un sourd l'aurait entendu venir.

La chasse n'avait pas été bonne aujourd'hui ... et Sirion avait les crocs ! Ce satané sanglier lui avait filé entre les pattes et pour une fois qu'il chassait pour son clan il ne devait pas revenir bredouille ! Alors qu'il était sous sa forme humaine, son odorat développé lui indiqua la présence d'un gibier à proximité. Finalement, il n'allait pas revenir les mains vides. S'approchant, il eut soudain une grimace de dégoût.

* Peuh ! Quelle est cette odeur nauséabonde ? * pensa-t-il.

Sirion écarquilla les yeux d'entendre la bête gémir !

" Ahem

Ahem, ahem, ahem. "

Décidément, il allait finir par rentrer au camp ! Etait-ce une hallucination ou voyait-il bien un nain en Thaodia ? Bien que Sirion connaisse ce petit peuple, il n'en avait jamais vu un seul s'aventurer en Thaodia. De plus il était sur son territoire de chasse ! Par curiosité, le lycan prit la décision d'interroger le nain. Sortant d'un bosquée, Sirion s'interposa à quelques mètres de lui. Il prit un air détaché avant de déclarer :

" A en juger par vôtre taille et vôtre corpulence, vous êtes sans aucuns doutes possibles un nain. De plus vous sentez fort le bouc et ne vous étonnez pas si vous rencontrez un loup garou ... Vous avez de la chance d'être tombé sur quelqu'un de ... hum ... civilisé ! Un autre que moi aurait peut-être déjà fait de vous un râgout. Enfin bon, la question n'est pas là. "

Se faisant plus menaçant, Sirion poursuivit :

" Que faîtes vous ici en Thaodia ? Déclinez vôtre identité ! "

Il sursauta sur le moment, mais voyant que l'infâme bête surgie d'un bosquet ne l'était pas tant et semblait pensante, et qui plus est, disposée à la discussion, il se permit un léger soupir. Ce qui ne l'empêcha de mettre la main à son marteau et de raffermir ses appuis en cas de "cessation des négociations" avec le nouveau venu. Les paroles de ce dernier, véritablement offensantes, n'étaient toutefois pas tant surprenantes...

" A en juger par vôtre taille et vôtre corpulence, vous êtes sans aucuns doutes possibles un nain. De plus vous sentez fort le bouc et ne vous étonnez pas si vous rencontrez un loup garou ... Vous avez de la chance d'être tombé sur quelqu'un de ... hum ... civilisé ! Un autre que moi aurait peut-être déjà fait de vous un râgout. Enfin bon, la question n'est pas là. "

" Que faîtes vous ici en Thaodia ? Déclinez vôtre identité ! "

Cela ne manqua pas de chauffer quelque peu le sang du Nain, mais cela était plus du au fait qu'il était sur les nerfs d'avoir erré des jours dans un pays inconnu qu'à l'impolitesse et au dédain de son interlocuteur. Toujours est-il que Prat se para d'un grand sourire, avant de répondre :

"Je suis Prat'Chet, du clan Ezachréon. Je suis un Nain, mais vous l'avez remarqué. Et, excusez moi de ma forte odeur corporelle, et voila quelques jours que j'erre dans votre belle "il buta presque sur l'adjectif, mais en fut pour un sourire un peu forcé", contrée et je n'ai donc pas eu le loisir de me rafraichir, a mon grand daim. Je vous suis gré de m'avoir abordé, jeune homme. "

Ne compte pas sur moi pour te remercier de ne pas m'avoir attaqué, je ne suis pas encore assez con pour penser qu'un lycan puisse se rabaisser, ô suprême humiliation, à croquer un Nain, fut-il affamé depuis des jours entier.

Il s'arrêta un instant, se redressa un peu, s'épousseta négligemment, et reprit, d'un ton jovial et avec un sourire aussi avenant qu'il pouvait être, malgré ses pensées légèrement contraires quant à cette rencontre.

Pauvre chien dégénéré... Parce que lui sent la rose ? La peste soit des races grandes ! Que feraient-ils sans nos livraisons de minerais ?

"J'était sur la route des Marécages des Torturés encore un nom de merde, tiens., mais j'ai... mal estimé mon parcours, et je me suis pour ainsi dire complètement perdu. Pourriez vous m'aider ?"

Voila que je demande de l'aide à un lycan. Me voila tombé bien bas. Enfin, de toute façon ce genre de bête ignore jusqu'à l'existence du mot "honneur", je suppose que je ne serais pas trop redevable d'un service donné par ce monstre.

En bref, Prat'Chet était d'une excessive mauvaise humeur. Nain perdu, couilles fendues, comme on dit dans la mine.

Sirion écouta attentivement les paroles de Prat'Chet :

" Je suis Prat'Chet, du clan Ezachréon. Je suis un Nain, mais vous l'avez remarqué. Et, excusez moi de ma forte odeur corporelle, et voila quelques jours que j'erre dans votre belle contrée et je n'ai donc pas eu le loisir de me rafraichir, a mon grand daim. Je vous suis gré de m'avoir abordé, jeune homme.

J'étais sur la route des Marécages des Torturés mais j'ai... mal estimé mon parcours, et je me suis pour ainsi dire complètement perdu. Pourriez vous m'aider ? "

Le lycan réfléchit quelques instants ... Qu'avait-il à y gagner s'il chassait le nain ? Rien du tout à part peut-être quelques égratinures. Il en vint à la conclusion que provoquer un combat n'aurait certainement rien de positif. De plus, Prat'Chet avaient de bonne manière et hormis la petite pic lancer suite à la remarque sur son odeur, il n'avait pas l'air si désagréable.

" Attrapez ça ! Vous en avez certainement plus besoin que moi ... "

Sirion lui lança sa gourde qui était rempli jusqu'à rabord laissant le temps au nain de se raffraichir. Il poursuivit :

" Belle contrée ?! Vous vous foutez de moi ? "

Eclatant d'un rire gras et un peu trop prononcé pour être sincère, il déclara :

" Des étendus d'arbres morts qui se nourissent d'une terre morte, voilà Thaodia ! La belle chose n'est-ce pas ? M'enfin bon, la chasse y est bonne *en général*. Ce royaume n'a plus rien de sa gloire d'antan. Clans divisés, lycans ayant perdu toute humanité, meutres, assassinat, guerres intestines ... C'est un mal profond qui ronge nôtre peuple et nôtre pays. "

* Me mettrais-je à converser avec un nain ? "

S'arrêtant, le lycan prit place sur une souche morte, bien conscient de la posture défensive de son interlocuteur. Ce nain l'intriguait ! Il conservait un sourire à toute épreuve et inspirait la confiance. Enfin il fallait toujours ce méfier du loup qui dort ... Pour avoir la folle idée de venir en Thaodia, Sirion devait certainement avoir affaire à un original.

" Enfin bon, à moins d'avoir la sensibilité d'un gobelin aveugle, sourd et ayant perdu l'odorat, belle n'est pas le qualificatif le plus approprié. Au moins, Thaodia inspire la crainte et peu de nons lycans osent nous rendent visite. J'imagine qu'une raison des plus exceptionnels vous y conduit ? "

* Soit il n'a pas peur du Grand Méchant Loup et il a une raison valable pour être ici, soit il lui manque une case ... *

Se souvenant de quelque chose Sirion annonça :

" Oh ! J'allais oublié, je m'appelle Sirion ... Sirion Tyrigösa du clan Hurle-Vent. Vous aidez, pouaah, qu'est ce que j'ai à y gagner ? "

Le jeune loup avait un nom, et une appartenance. Un certain sens de l'auto-dérision, une estime de lui même conséquente, mais basée sur de bonnes raisons. Nul doute qu'il connaissait le coin, et n'était pas ce qu'on pourrait appeler un faible. D'ailleurs, quel lycan pourrait être a la fois faible et vivant ?

Prat attrapa la gourde proposée (de la main gauche, la droite ne quittant pas le marteau), et en but une gorgée. Sans toucher le goulot, à la fois par respect pour son interlocuteur et par sécurité sanitaire. Par la même, il prit le temps de réfléchir à la situation. Ce qu'il en ressortit était conforme a son impression première : le lycan, si on oubliant son coté un peu bestial, semblait sociable et disposé à la négociation, et donc à lui accorder l'aide demandée. Contre rétribution, apparemment. Bon. Mais vu sa langue bien pendue, ce n'est pas quelque piécettes qui manqueront à Prat pour retrouver son chemin, et, bien mieux encore, avoir des informations sur la situation politique et sociale des lycans, actuellement. En effet, peu de choses filtraient à l'extérieur, car, comme le disait si bien le jeune lycan, peu de non-lycans osent s'aventurer dans les tristes contrées de Thaodia.

La dessus, Prat mit de coté son opiniâtreté naine et sa fierté mal placée, et s'éclaircit la gorge, avant de reprendre la parole pour répondre au lycan.

"Dans ce cas, enchanté, Syrion."

Il prit le soin d'agrémenter son discours de mouvements de mains (enfin, de la main gauche, la droit restant obstinément fixée sur son marteau.), et de parler d'une voix haute, et, pour le mieux qu'il pouvait, claire (dans les faits, c'était un peu rauque, mais son errance solitaire en était une bonne explication.).

"Il est vrai que ma présence ici revêt un caractère exceptionnel. J'ai une affaire... importante, disons, à régler aux Marécages des Torturés, mais je ne souhaite pas vous encombrer avec des affaires personnelles."

Éludons la question... Appâtons le avec sa récompense, il en oublieras bientôt les causes.

"Et, je pense que vous avez à gagner de bien vouloir m'accompagner jusqu'aux Marécages, si votre emploi du temps le permet. J'ai sur moi quelques valeurs dont me débarrasser ne me dérangerait pas spécialement, et je suis sur que mes amis sauront vous dédommager de vos peines, une fois à destination."

C'est malheureux, mais dès que l'être pense, il cherche récompense. Je gagne, donc je suis. Remarque, je n'aurais pas réagi autrement.

"Et voudriez vous bien me parler plus en détails des affaires de votre royaume ? Nous autres Nains, souhaitons sortir de notre isolement, et serions prêt à vous apporter main forte, dans la mesure du possible, si vous y consentez."

Bon, sur ce coup, je m'avance, j'ai pas encore reçu ma nomination officielle, m'enfin au pire je ferais passer ça pour les affaires du Concile.

Prat'Chet était un nain interessant, et de toutes les races non lycans, Sirion préfèrait de loin les nains. Les elfettes effarouchées ? Pas pour lui ! Les Vampires ? Un peu trop bizarre à son goût ! Les humains ? Toujours ancrés dans leur stéréotypes. On pouvait toujours compter sur un nain après une beuverie. Ainsi, les nains souffraient eux aussi d'isolement ... Interessant ! Mais Sirion s'était mal exprimé, à vrai dire, il ne serait pas forcément bien vue par ses congénères si on l'aperçevait en compagnie d'un nain. Mais après tout, qu'avait-il à en faire ? N'était-il pas libre, lui qui se montrait ardent défenseur de son indépendance ? Prenant soin de ne rien laisser transparaitre, le lycan fut particulièrement surpris par la dernière question du nain :

" Et voudriez vous bien me parler plus en détails des affaires de votre royaume ? Nous autres Nains, souhaitons sortir de notre isolement, et serions prêt à vous apporter main forte, dans la mesure du possible, si vous y consentez. "

* Main forte, il ne sait donc pas à quel peuple il se frotte ? Quels avantages peuvent-ils en tirer, lui et son peuple ? *

" Les lycans après avoir vécu des heures sombres relèvent enfin la tête. Nôtre peuple n'a jamais été aussi uni et les villages sont animés par les candidats potentiels à la succession de Drack Longshadow. Les clans de Thaodia semblent enfin prêt à s'unir. Mais les étrangers sont mal vues en ces temps de changements. D'ailleurs nôtre peuple vit lui aussi dans un certain isolement. "

Le jeune lycan reprit sa respiration, reprenant sur la partie épineuse de la discussion :

" Ne vous inquiètez pas, je ne cherche pas rémunération ! Je vous trouve d'ailleur fort distrayant mais qu'entendez vous lorsque vous parlez de nous prêter main forte ? J'apprécie les nains, mais sachez que certains de mes congénères ne voit pas vôtre peuple de cet oeil là et vous auraient tué à vue. Ah ! Vous vous exposez au danger en vous rendant dans des lieux aussi sombre que Thaodia. Et si vous me parliez vous aussi du royaume des nains ? C'est bien l'une des rares contrées que je n'ai pas encore visité et je n'ai entendu que très peu de chose à propos d'Angaïla "

Ou comment une rencontre dû au hasard se transformait en pourparlers diplomatiques. Ce nain l'intriguait vraiment et ce n'était pas un personnage commun. Rien que sa présence en Thaodia faisait de lui un être original. En temps normal, Sirion aurait simplement chassé l'étranger, mais comme on disait, " Loup qui creuse ? Loup qui trouve " ! Il fallait donc creuser.

" Vous tournez autour du pot, qui êtes vous vraiment ? Nous n'avancerons pas si vous ne m'expliquez pas les raisons réelles de vôtre venue en ces terres maître nain ! Je peux tout aussi bien partir et vous laissez tourner encore en rond pendant des heures vous savez ... Ce ne serait pas la meilleur des solutions, hein ? "

S'étant relevé, il se rassit, l'air entêté de quelqu'un de sur de lui ! Il arborait tout de même un grand sourire ...

Finalement, ce jeune loup, en plus de lui être clairement utile, lui plaisait maintenant tout a fait : il savait pertinemment que si l'on donnait juste par générosité, on passait pour un demeuré. On as rien sans rien. Un bon gars, qui irait loin si on lui en donnait les moyens.

Le fait que l'anarchie ambiante de Thaodia se stabilise arrangeait ses affaires, bien qu'il eu pu tirer plus grand profit encore de l'anarchie, quoique se fut été un pari plus risqué... Si les lycans se fédéraient, c'est qu'ils prendront des chefs. Et donc, des interlocuteurs qui parleraient au nom de Thaodia. Des gens avec qui l'on pourraient traiter commerce, intérêts, et peut être alliance, qui sait, dans le meilleur des mondes. Enfin, pas trop d'humour : le commerce avant tout, et un œil exercé sur l'intérieur d'une nation naissante faites de gens potentiellement dangereux. Quand les loups se mettent en meute, c'est qu'une chasse se prépare. Mieux valait faire parti de leurs amis.

C'était donc a lui de faire des aveux. Et bien... Soit. Évitons tout de même de parler des Maitres Éléments, qui sont bien plus importants que tout les secrets des petites Nations.

"Ahah, très bien. Et bien, nous autres nains sommes assez casanier, et pour ma part c'est mon premier séjour en Thaodia, mais bien des nains ne s'estimeront pas moins heureux s'ils mourraient sans avoir mis la barbe hors de la mine. Nous aimons tellement la terre que nous y resterions bien, hé. Tout cela est bien joli, ma foi, mais il est notoire que ce n'est pas en se terrant que l'on s'épanouit. C'est d'ailleurs pourquoi certains clans mettent tout bonnement a la porte leurs jeunes, pour leur apprendre la vie. Les braves gosses sont bien obligés de voyager, au moins jusqu'au village suivant, mais ils savent bien que plus ils iront loin, mieux ils seront récompensés de retour a la maison. Mais, la plupart ne sortent pas d'Angaïla, gloire ou pas." conclut-il avec humour.

Il s'arrêta un instant, jeta un œil au ciel, comme pour s'assurer du temps, et reprit, en plantant son regard sur le visage du jeune loup.

"C'est pourquoi nos dirigeants souhaitent ouvrir un peu plus nos frontières, et développer nos relations avec nos voisins. Et apporter notre concours aux toutes jeunes organisations de Thaodia ne serait que bénéfique pour nos dites relations, en plus de servir nos intérêts respectifs, je pense que vous le comprenez. Vous pourriez même y gagner personnellement en vous investissant dans cette affaire, si vous le souhaitez."

Il stoppa encore, lâcha la pression sur son marteau, se détendit un peu, but une gorgée, et se prépara à lâcher du lest : il allait parler de lui.

"Quand a la réelle raison de ma venue en vos terres... Elles sont bien moins politiques. Je fais parti d'une organisation, dont je souhaite taire le nom, et j'ai rendez vous aux Marécages avec mes homologues, en quelque sorte, pour une mission de la plus haute importance. Notre mission ne concerne en rien les lycans, mais plutôt... l'équilibre naturel de ces terres. C'est pour cela que votre aide me serait réellement précieuse, car la date limite du rendez vous arrive bientôt."

Il s'avança vers le lycan, et tendit la main, dans l'attente d'une poignée de main qui scellerait leur "accord" et, esperait-il, une amitié naissante.

"Qu'en dites vous ?"