L’aube naissant peu à peu mollement englobait la terre dans un vaste écrin vermeil. Quelques tâches rosâtres et orangées, rougeâtres et légèrement délavées, s’étalaient sur la grande voûte, remplaçant ainsi par une palette de couleurs vives les sombres représentations de l’obscurité. L’aurore éclairait à présent de ses faibles rayons quelques gouttes de rosée, perles scintillantes issues d’une ondée éphémère, accrochées à quelques verdures de la plaine. Une carnation bleutée, peu à peu remplaçait les colorations vermilles de l’aube mourante, laissant ainsi place à un ciel azur. L’astre étincelant, à cet instant dans le firmament, faisait son entrée, immense globe de lumière sur fond de papier coloré. Un souffle léger balayait les hautes herbes, créant dans le lointain un tourbillon passager : mélange de poussière, de pierraille, de brindilles et autres petites feuilles. Une curieuse tache indiscernable, semblable à une souillure, au loin venait brouiller cette immensité herbeuse. Salissure tranchant avec le cachet du paysage olivâtre, elle se mouvait avec lenteur et semblait se diriger vers un point fixe. Au terme d’un bref instant, elle s’arrêta devant ce qui semblait être un ruisseau. Formant une coupe à l’aide de ses mains calleuses, elle les plongea dans l’eau et les porta à sa bouche entrouverte. Un mince filet suinta le long de son menton et quelques gouttes vinrent s’écraser contre un torse de cuir. Toujours penchée sur la flaque de liquide clair, la silhouette examina un instant son reflet. Au bout d’un certain temps, elle finit par se relever promptement, et reprit son déplacement d’une allure à présent plus soutenue. Foulant de ses pas la terre meuble, traversant les herbes de la plaine, elle avançait. Une étrange lueur, réflexion des éclats de l’étoile brûlante sur une lame monstrueuse, semblait se dégager de son échine. Le temps, au fur et à mesure que ses pas chaussés de cuir écrasaient la verdure, semblaient se dégrader, d’une manière curieuse et plutôt étrange. Une teinte grisâtre remplaçait lentement les carnations bleutées de la peinture du ciel. Des nuées épaisses semblaient se profiler au loin, bavures sur cet infini tableau qu’était le firmament. Leurs terribles grondements, menaçant, dans le lointain étaient perceptibles depuis cette vaste étendue. L’air devenait de plus en plus lourd. Le vent, pareil à une plainte se levait. Son souffle puissant balayait la flore, fouettant et meurtrissant tout sur son passage. Une brume se matérialisait mollement, enveloppant de son étreinte vaporeuse la silhouette, à présent réduite à une ombre indiscernable à travers le brouillard. Ce semblant de contour paraissait à présent se déplacer plus rapidement en traversant l’air vaporeux. Une sorte de bourdonnement, s’intensifiant au fur et à mesure qu’il avançait, retentissait dans ses esgourdes. Un battement d’ailes, un bruit indistinct. Un cri strident retentit soudain. Une créature ailée creva la nuée, étrange apparition au cœur d’une étrange atmosphère. De petite taille, elle possédait un corps décharné, mélange de crocs et de griffes acérés ; couvert d’écailles et de piques au reflet terne et cuivré ; pourvu d’ailes diaphanes et musculeuses. Une queue, pareil à celle d’un serpent, venait compléter cette vision des plus insolites. Sa fasse reptilienne, au même titre que le reste de son anatomie, était couverte d’écailles luisantes et rehaussée par deux yeux pourpres. S’élançant dans les airs, traversant les nuages, elle semblait danser entre les cumulus. Un dernier ballet, et elle disparut comme elle était venue, à travers de la brume. Frerenn Deadwood, de ses pupilles argentines observait ce phénomène des plus curieux ; une immense lame dans la main droite, la pointe reposant à présent dans la terre. Il avait un instant craint que cette créature curieuse ne le happe entre ses griffes et ne l’emporte pour faire de lui son festin. Cependant, elle n’en fit rien, et disparut, tout comme le mauvais temps. En effet, celui-ci semblait s’être apaisé, soudainement. Tout était redevenu calme, dans la mesure du possible, et le guerrier pu reprendre son cheminement vers la capitale naine : Kazad Duraz.

L’astre lumineux était à son zénith, trônant haut dans le ciel azur. La vie suivait son cours aux alentours de la cité naine. Un nombre impressionnant de badauds, mélange hétéroclite de marchands ambulants, de toute sorte et de tous horizons, négociant d’étoffes, importateurs de denrées quelconque, commerçant, voyageur ou simple résident ; cheminaient vers les portes de la ville, se pressant et se serrant les uns contre les autres. Au milieu de cet afflux qui luttait à demie pour entrer dans la forteresse naine, figurait un personnage de haute stature, une capuche dissimulant à moitié ses traits. Un certains aura de puissance semblait émaner de sa personne, car les badauds semblaient s’écarter, sans un mot, sans une protestation, sur son passage. Les gardes de la porte, en le voyant arriver, portèrent inconsciemment leur main à leur fourreau. Il est vrai que voir un colosse de près de deux mètres, le pommeau d’une lame dépassant de son dos ; portant une tenue au nombre d’éraflures et d’entailles impressionnant, vestiges d’abondants combat à l’épée, et laissant entrevoir deux bras musculeux couverts d’arabesques tribaux, devait fournir une vision des plus insolite à un pauvre nain, gardien de la porte. Abaissant sa capuche, découvrant ainsi un visage marqué par une impressionnante balafre barrant son visage, il faisait face de toute sa hauteur et deux personnages trapus vêtus d’armures. Plantant ses yeux d’acier dans le regard d’un de ses interlocuteurs, il annonça sur un ton monocorde l’objet de son périple. Il venait chercher une nouvelle lame chez le maître forgeron Brisenclume, et était attendu par ce dernier. L’un des gardes, observant le voyageur de pied en cap, lui demanda finalement son nom, pour qu’il l’inscrive sur le registre. Frerenn Deadwood, voilà comment il se prénommait. Lorsqu’ils entendirent ces mots, les soldats sursautèrent. Le Lycanthrope du nom de Frerenn Deadwood, était connu dans tout Angaïla depuis la grande guerre de Kazad Duraz. En effet, celui-ci avait combattu aux côté du capitaine Korask Feuillebois, feu capitaine de la garde de la cité, et vengé sa mort ; du grand Molgor ainsi qu’aux côté de nombreux autres nains qui le considéraient à présent comme un défenseur du royaume d’Angaïla, comme un frère d’arme, et un frère dont le sang s’était mêlé au leur dans la bataille. Les gardes, à présent au garde à vous devant ce personnage qu’ils ne savaient qu’emplit de bonne intention envers le peuple nain, le laissèrent entrer au cœur de la cité. Une atmosphère, semblable à celle qu’il avait connu dans la plaine semblait s’y développer peu à peu. Une brume opaque enveloppait à présent la forteresse naine. Marchant au cœur de la foule qui vaquait à ses occupations, le lycanthrope s’arrêta, soudainement. Un bourdonnement, semblable à celui qu’il avait perçu dans l’immensité herbeuse, retentissait dans ses oreilles. Une sorte de grondement sourd venait se mêler à cette sonorité qui lui était familier. Puis un nouveau fléau s’abattit sur le peuple nain. Des cris retentirent un peu partout aux alentours. La même créature ailée, creva l’air vaporeux, plongea une vingtaine de mètres devant Frerenn, et cracha un jet de flammes brûlantes, dévastatrices, avant de repartir dans les airs. Tirant son immense lame, le lycanthrope s’élança vers la première patrouille de soldat qu’il croisa sur sa route. Des hurlements retentissaient un peu partout dans la ville, et quelques personnes semblaient également s’être fait faucher par la créature, qui d’après les gardes était difficile à atteindre. Aucun d’entre eux n’avait réussi à la toucher jusqu’à présent. En effet, elle semblait être trop véloce pour être atteinte par des volées de flèches. C’est donc dans ces conditions d’incertitude que partit Frerenn en compagnie la patrouille de nain, en quête de cette fichue bestiole ailée.