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 Un dernier..

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MessageSujet: Un dernier..   Un dernier.. EmptyLun 3 Sep 2012 - 1:16

« Son visage s’approchait. Le mien aussi. Je posais une main sur sa nuque, sa prise sur mon dos s’affermit. Elle ferma les yeux. Je fis de même. Je l’embrassais. Je l’aimais. Adieu.
Dans ce fauteuil, froid et dur comme la pierre gisait Olorion Laenian Abaster. Mort.
Souriant. »





Une pages.. Trois.. Quatre… Dix, cent… Quelle absurdité..
Las, je fermais mon livre. J’avais 248 ans. J’étais… Mourant. Indéniablement mourant. J’avais livré ma dernière bataille. J’avais perdu la guerre. J’avais voulu.. Aimer. J’avais voulu.. Enseigner. On m’avait répondu par les armes, par la colère, l’ignorance et le mépris.
J’avais voulu.. Renaitre. Je n’avais fait qu’agoniser.

Morrorym, mon maître, me pardonne : mais à quoi bon ? Je potassais un grimoire sur les mouvements astraux.. Sur les incidences célestes sur les marée.. Mais à quoi bon ? Personne ne lira ces livres après moi. Personne ne viendra m’écouter enseigner. Alors allez au diable, philosophes, physiciens & cie.. Il est temps de voir les choses, et de ne plus les décortiquer.


J’avançais mon fauteuil prêt de la fenêtre, celle dans le toit qui prodiguait la douce lueur de la Lune. Avec ma faible vue, je ne voyais qu’un fond noir constellé de taches blanches. Mais je distinguais tous de même les constellations. C’était beau. Mes yeux rendaient à ce paysage des tendances impressionnistes à cause du flou. Les contours mal dessinés, je voyais pour la première fois des étoiles affranchie de leurs limites visuelles. Dieux que c’était beau…
Pendant une, deux ou peut-être trois heures, je montrais du doigts les constellations, désignant les légendes qui y étaient associés, des histoires d’amour dramatiques, des héros divinisé.. Rien de rationnel, juste de la fantaisie, du rêve.. Puis mon livre glissa de ma jambe tandis que ma tête tombait sur le côté. De fatigue j’étais tombé, je m’endormais, sourire aux lèvres.


Lorsque je me réveillais, je n’étais plus dans les sous-sols de ma guilde. Je n’étais même pas dans un bâtiment. Mon bon fauteuil m’avait suivi dans une jolie clairière que je ne reconnaissais pas. Le soir tombait petit à petit, et le Soleil couchant laissait çà et là des ondées rouge et roses avant de tomber derrière l’horizon. Quelques arbres nuançaient le plat et l’herbe calme. Dans ces rares spécimens, on trouvait des nids d’oiseaux qui piaillaient doucereusement des mélodies, l’air de dire « Dormez bien » a des oisillons couvés. Intrigué, je me levais. Saisissant ma canne, je commençais à avancer au hasard.
C’était étrange, je me sentais si bien.. Tellement en sécurité.. Pourtant je ne savais pas où j’étais. Une étrange sérénité semblait avoir brisé mon agilité d’esprit, calmant mon impressionnante et puissante intelligence. J’étais… Bien. Simplement bien. Une sorte de béatitude.
Puis vint le summum du ravissement. Un second chant clair. Le chant d’une eau clapotant. Vu le bruit, cela devait être un petit torrent, une source. M’orientant vers ce bruit, je finis par écarter la dernière branche d’arbre qui, étrangement pour une clairière, semblait ostensiblement me cacher la vue.


-Tu en as mis du temps, mon Laenian.

La voix était tombée, douce et froide à la fois. Un peu comme une personne qui voulait vous dire quelque chose de façon agréable.. Alors que cette chose devait arriver d’une façon ou d’une autre.
Levant enfin le nez, j’avais à une bonne vingtaine de mètre de moi une fontaine. Circulaire, montée sur deux bassins. Un large, petit bain, du genre ou on rince ses pieds et l’autre, plus haut et profond. Enfin, au sommet, un délicat jet d’eau. Le liquide était clair, un une mosaïque bleue au fond lui donnait une teinte cyan magnifique. L’eau ruisselante accueillait avec joie les lumières du crépuscule, renvoyant vivement des éclats arc en ciel.
Mais celle qui avait parlé –car c’était une femme- était de loin la plus fascinante. Baignée dans cette lumière, elle était là. Comment dire.. Elle était là, oui, mais d’une façon indubitable. Comme si elle avait toujours été là. Comme si elle avait toujours été. Une sorte de montagne dans notre dos donc nous n’avions jamais quitté l’ombre. Aujourd’hui, je me retournais pour voir enfin la montagne.

Elle était grande, mais un peu plus petite que moi. Menue, svelte même, elle semblait parfaitement inoffensive. Jeune au possible, elle portait pourtant une longue chevelure raide et argentée, qui tombait avec grâce et en cascade le long de son dos. A moitié allongée sur le bord de la fontaine, l’un de ses pieds battait l’eau avec nonchalance tandis que l’autre était posément en appuis sur la pierre magnifique de l’édifice.
Elle était d’une peau étonnamment pâle. Sans le moindre hâle. Pourtant, elle prenait toute sa beauté d’une robe fendu et sobre, d’un noir de jais. Le contraste était saisissant, mais on ne pouvait qu’être charmé. Il fallait bien, les frontières entre le pâle et le noir attiraient du même coup l’œil, et qu’y voyait-on ?
La fente dévoilait son flanc, de la hanche à la cuisse avant que le bas ne se perde sous le tissus. Des lignes parfaite, une peau qui, d’ici je le devinais, était douce et unie. Un endroit, enfin, plein de charme et loin de laisser insensible un mâle qui n’était pas primaire. Au-dessous ? Je voyais sortir et rentrer dans l’eau un pied parfaitement œuvré. Un vernis rouge vif venait encore une fois contraster avec la pâleur de sa peau. Puis venait une cheville à la courbe parfaite. Au-dessus ? Peste et diantre.. Au-dessus c’était un décolleté qui sans être vertigineux, s’arrêtait à l’endroit même où l’esprit ne pouvait plus s’arrêtait, si bien qu’on était forcé. Une décence obsédante dans la mesure où moi-même j’en étais réduits à imaginer la suite, devinant sous la robe une poitrine des mieux faites. De plus, sans le dévoiler, la pose de cette femme révélait une cambrure provoquante, qui s’alliait à la perfection avec un sourire désarmant qui n’avait strictement rien de rassurant.

Je m’avançais, sans rien dire. Subjugué. J’allais jusqu’à passer dans la fontaine, laissant mes pieds et ma robe tremper dedans tandis que je m’asseyais de même. Murmurant d’une voix à peine audible, je lâchais mon ultime pensée logique, fruit d’un ultime raisonnement, un peu comme un chef vaincu laissait tomber sa dernière arme au pied du vainqueur.


-Utopia…

-En effet, Laenian. Utopia. J’ai décidé de tricher un peu..


Maintenant que j’étais là, face à elle.. Sa voix, toujours pareille, semblait passer mes oreilles jusqu’à ma tête, comme si elle s’adressait directement à mon âme. Elle irradiait d’une sombre puissance. Et pûis.. Son visage.. Encadré délicatement de sa chevelure argentée.. Deux yeux d’un noir parfait, ouverts sur des cils tout aussi noir et long, rendant son regard plus captivant que la plus belle des œuvres. Un nez fin et aquilin faisait de l’ombre à une bouche pulpeuse aux lèvres gonflés et brillantes, rouges. Toujours ce rouge provoquant et fantasque qui rendrait à la folie amoureuse le moins stoïque des hommes.
Fébrile à présent, je posais une main tremblante sur mes yeux, suppliant à voix basse :


-Je suis vieux et fatigué.. Qui que vous soyez, laissez-moi.. Je ne demande plus rien à personne. Je suis las et brisé.. Allez-vous en..

Me priver de la vue de cette merveille me fit mal. D’un coup, ma vieillesse me tomba sur le dos. Un combat que je n’avais pas mené depuis longtemps. Une bête insidieuse qui me terrassait, et me rendait fou de rage. Puis cette voix, encore, qui frappa directement mon âme, m’apaisant cette fois.

-Shhht, du calme mon Laenian. C’est fini à présent. Tu peux être à moi.. Rien qu’a moi..

Des paroles terrifiantes en soit.. Mais horriblement tentantes. Je sentais à présent une paire de mains s’affairer sur mes épaules, mes massant. La décontraction fut presque immédiate, et des ondes de chaleurs virent parcourir mon corps entier. La vie. Elle irradiait de ses mains. Le contact familier de ma barbe sur mes pieds disparut soudain. J’ouvris les yeux de surprise, bougeant ma main. Mais pas à un seul moment je n’eus l’idée de me retourner, observer cette déesse qui s’affaissait dans mon dos.

Les yeux rivé sur mon bras, je voyais ce dernier gonfler, la peau s’étirer. La force revenait.. Ma vue portait, a présent aussi bonne que dans mes jeunes jours. Ma barbe avait disparue, laissant pace à une jeune pilosité parfaitement taillée, allant d’un bout de ma tête à l’autre. Je sentais la lassitude me quitter, et une forme de tous les diables me gagnait. Rajeunir ! Rajeunir !
Un rêve qui devenait réalité. Puissance ! Exaltation ! L’arbre du possible semblait ne plus avoir de limite. J’étais jeune, beau et fort. J’étais invincible !

Et pourtant, lorsque la voix résonna à mon oreille, sifflante je fus paralysé, comme un serpent charmé par une mélopée délicate.


-C’est comme ça que je t’aime, mon Laenian, et c’est comme ça que je te garderai pour moi. A jamais.

Elle s’écarta de moi et repris sa place. Cette fois, je la vis marchée. Avec grâce et noblesse. Avec un déhanché à réveiller un mort. Un pas lent, mesuré. Indubitable. Le genre de pas qu’on est aussi sure d’arrêter qu’une charge de dragon. Cette femme.. Elle était tellement.. Elle était.. Elle était depuis toujours en moi. Elle était.. Mon rêve, mon envie. Un souhait inconscient jamais formulé. Et pourtant, elle était aussi bien plus que ça.
Puis, comme par enchantement, je semblais pouvoir reprendre constance. Ceci pile au moment où elle avait repris sa pose. Jeune certes, mais mon esprit réussit à cesser d’être enivré par cette femme. Sa présence semblait être le plus entêtant des parfums. Pourtant, ma capacité à lui résister sembla lui faire plaisir. Un mince et franc sourire vint éclairer ses lèvres. Oh seigneur.. A cet instant précis, j’aurai vendu mon âme pour m’y pendre..

Je me redressais à mon tour, faisant face dans une bataille déjà perdue. Sous son regard encourageant, je dégageais ma propre aura, risible pour elle, mais puissante car écrasante de savoir, mais désormais de puissance. Une puissance complète et retrouvée.


-Ma Dame.. Je ne saurais jamais vous remercier assez pour ce don.. Mais je dois vous demander.. Qui ? Pourquoi ? Comment ?

Mon esprit confus fut incapable de retrouver mes capacités d’orateur confirmé et infaillible. Devant elle, je fondais. J’étais réduis à des interrogations basiques.

-Ce don, mon Laenian, est autant fait pour toi que pour moi. Tu as ton charme, mais bon.. Un vieillard à côté de moi.. Tu finirais complexé.

Elle se mit à rire de sa propre plaisanterie. Un rire qui me fit trembler tant il raisonnait en moi. Puis d’un coup, son sérieux revint, elle planta ses yeux dans les miens. Je manquais défaillir.

-Tu vois, mon beau Laenian.. Tu es unique pour moi. Beaucoup de personne me voient, d’une façon ou d’une autre. Parfois ils m’aperçoivent, et repartent.. Parfois ils tombent d’un coup dans mes bras, sans la moindre délicatesse. J’ai pour ces derniers un manque total d’affection. La plupart du temps, je les classes et les ordonne comme des dossiers.. Certains méritent des égards, et je m’arrange pour qu’ils aient une dernière agréable vision..

Elle passa sa langue sur ses lèvres, je déglutis péniblement. Un désir foudroyant qui m’avait quitté depuis bien un siècle venait de me saisir au fond des tripes.

-Mais toi, mon beau Laenian.. Cela fait un siècle à présent que tu marches dans mes bras. Un siècle que je peuple tes songes.. Un siècle que nous marchons côtes à côte.. Tu ne pourrais pas comprendre ce que cela signifie, ni la raison qui me fait avoir cette affection. Pas encore. Nous ne raisonnons pas sur le même plan. Aujourd’hui, je triche. Utopia abolit toutes règles.. Et j’avais envie de te voir. J’avais envie de t’avoir avant que tu finisses par dépérir et perdre cet éclat. Je ne veux pas que mon petit amant d’un siècle se ratatine en quinze jour..

Je la regardais, oubliant un moment sa beauté si entêtante. Je commençais à comprendre, et l’étonnement se peignait sur mon visage. J’étais comme frappé par la foudre. Une fois encore, la satisfaction fut lisible sur son visage lorsqu’elle s’avisa de ma compréhension.

-Vous êtes…

Elle me coupa nette, tranchante :

-Je suis ta dernière amante, Laenian. Du moins je veux l’être, aussi ne nomme pas ce que tu ne voudrais pas que je sois toi non plus.

J’avais à la bouche des termes moins gracieux « La Faucheuse », « La Mort ».. Mais le sien me plaisait plus. L’ultime baisé de la mort Après tout, pourquoi pas ?
Puis elle haussa les épaule, dédaigneuse, lâchant simplement :


-A l’heure du choix, chacun est libre…

Je me levais et lui tournait le dos. Je méditais. Elle me proposait de mourir. Après tout, pourquoi pas ? L’absurdité avait frappé ma vie.. Qu’avais-je encore à accomplir ? Les vivants m’avaient achevé.. Une Académie… Pour apprendre à se battre. User des très saints termes reservé au domaine qui devait mené les vivant à la pleinitude… Pour leurs apprendre à s’entre tuer, à semer le chaos et la destruction.
Devrais-je vivre pour vieillir encore et encore, et pleurer, couvrir ce monde fou de mes larmes ? Puis devenir fou à mon tour, car trop savant pour être heureux ? Devais-je avoir la bravoure de ne pas abandonner ? Et d’affronter ma vraie fin, celle d’un malade malheureux, qui prechera ses convictions jusqu’à la fin ?
A qui me devais-je ? J’avais voué ma vie à la connaissance, et de ce fait, j’avais essayé de la partager. Et on m’avait sans retour et sans cesse craché au visage.
Une sourde colère montait en moi, et un grand chagrin. Des larmes commencèrent à dévaler mes joues… Pour finir cueillies par un doigt fin. Sa tête apparut soudainement sur mon épaule. Son doigt humide vint à sa bouche, goutter ma larme, tandis que l’autre, libre, m’enlaçait langoureusement. Fantasme d’un esprit malade qui ne savait comment aller vers la mort ? Allégorie sordide et modelée par mes regrets ? Peut-être. Qu’importe ?
Vibrante de colère, ma voix, incertaine, s’éleva, tandis que je faisais glisser quelques doigts sur sa joue.



-Qu’ils aillent tous pourrir. Qu’ils s’étranglent, drapés dans leurs manteaux de suffisance et d’ignorance ! Je ne dois plus rien ! A personne !

Une lumière vive fit étinceler le jais des yeux de ma compagne, comme si ma colère semblait rajouter à ce charme qu'elle appréciait. Retirant son doigt de ma bouche, elle sourit, me manœuvrant juste assez pour me tourner vers elle.

-Ces larmes, mon Laenian, étaient tes dernières. Allez, vient là. Abandonne toi à moi..

Son visage s’approchait. Le mien aussi. Je posais une main sur sa nuque, sa prise sur mon dos s’affermit. Elle ferma les yeux. Je fis de même. Je l’embrassais. Je l’aimais. Adieu.







-Maître ? Maître ?! Oh ! Prime Magister ?!

Le plus jeune fronça les sourcils.

-Oh ! Heiml ! Viens voir ! Le Maître.. Il a l’air tout bizarre..

Un second homme apparut dans les escaliers. Sa mine sobre du rat de bibliothèque se fronça, perplexe, devant une nouvelle énigme. Face à lui à présent, un corps assis dans un beau fauteuil, un livre dans une main, trois noix dans l’autre.Heiml s’avança et posa deux doigt sur la gorge, avant de les retirer vivement. Il s’exclama :

-C’est diantrement froid ! Peste ! Qu’est-ce que..

Il agita la main devant la tête.. Puis, il recula son bras dans sa manche et palpa la gorge de ce dernier, laissant le tissu protéger ses doigts.

-Plus rien.. Pas de pouls.. C’est étrange.. C’est comme si la vie avait été aspirée de lui, dans la nuit, comme ça ! Pouf !

-Et ce visage.. C’est flippant !

-Tais-toi ! Tu es le premier à aviser la mort d’une des âmes les plus savantes de ce monde. Et sa façon de s’éteindre a été à l’image de sa vie ! Exceptionnellement peu orthodoxe ! Du respect jeune homme !


Dans ce fauteuil, froid et dur comme la pierre gisait Olorion Laenian Abaster. Mort.
Souriant.

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