Plus d’un an s’était écoulé depuis son combat face au dragon de glace, plus d’un an s’était écoulé depuis le fameux épisode où elle s’était rendue compte qu’elle n’était rien de plus qu’une elfe comme une autre, qu’elle était une mortelle et qu’elle n’était pas invincible. Les blessures de son corps étaient à présent guéries mais celles de son âme étaient encore trop vives et présentes pour qu’elle passe au-dessus du jour au lendemain. Cela faisait à présent un peu moins de deux cycles que l’elfe avait quitté sa communauté pour se rendre dans la capitale qu’elle avait quittée depuis bien longtemps.

Désirant conserver sa présence en ces lieux secrètes, l’elfe prenait bien gare à ne pas décliner son identité et à éviter soigneusement les soldats, ainsi que toutes les personnes susceptibles de la reconnaitre. Elle avait changé de cape de voyage, en choisissant un vêtement de couleur sable, toujours recouverts d’inscriptions et d’arabesques elfiques. L’elfe ne se déplaçait qu’à dos de licorne, ne pouvant délaisser la présence de sa monture Aeglos au profit d’un autre. Seul son faucon n’était pas à ses côtés en journée pour ne pas que sa couverture ne vole immédiatement en éclat. Il était bien trop facile de l’identifier comme l’ancienne présidente si elle montait toujours son étalon des glaces et qu’elle était accompagnée par son jumeau des airs.

Retrouver la Capitale ne procurait pas à l’elfe les sensations qu’elle pensait retrouver. Elle n’avait pas particulièrement envie de demeurer ici, préférant reprendre la route le plus vite possible. Cependant, elle savait qu’elle allait être obligée de demeurer ici, ne serait-ce que pour un cycle au maximum, le temps de reprendre ses biens et d’apprendre tout ce qui s’était passée depuis son retrait du monde. Pour savoir si ses nouveaux projets étaient réalisables, l’elfe avait besoin de savoir tout, tout depuis l’épisode des Dragons.

Pour le moment, la belle n’avait pas pour objectif premier de trouver des réponses à sa quête mais plutôt de trouver des réponses  à une question plus personnelle, étaient-ils encore là ? Ces deux hommes qu’elle avait connus et qui avaient tant comptés pour elle. Deux elfes, deux sang-purs, deux guerriers et ceci n’était certainement pas un hasard. L’elfe quitta la route principale pour se diriger vers des quartiers un peu moins fréquentés de la grande cité, reconnaissant vaguement des lieux qui avaient bien changés. Tout semblait différent. Les occupants, les étalages et la population. Ces quartiers autrefois débordants de monde s’étaient vidés petit à petit pour au final n’être peuplé qu’en grande partie par des femmes et des hommes n’ayant pas atteints l’âge adulte.

Son impression se confirma lorsqu’elle arriva devant la demeure de Firian. Mettant pied à terre, elle laissa sa monture libre avant de se diriger vers la porte, frappant doucement à celle-ci à un rythme bien précis. C’était un code, c’était leur code et il demeura sans réponse. Elle tenta d’ouvrir la porte et cette dernière ne lui offrant comme résistance que celle d’une vieille entrée n’ayant pas servie depuis fort longtemps. Les lieux étaient sales, recouverts de poussières et semblaient particulièrement vides. Le mobilier n’avait pas bougé mais toutes les affaires avaient disparues.

Dans chaque pièce qu’elle visitait, le scénario était le même. Lorsqu’elle arriva dans la chambre, un petit sourire illumina son visage décomposé jusqu’alors. Posé sur le bureau et en évidence, une lettre scellée par un cachet de cire, avec au-dessus, un bijou qu’elle ne connaissait que trop bien, son collier à lui. Ramassant les deux objets, elle en retira la poussière qui s’était entassée sur ces derniers  et passa la chaine autour de son cou, la pierre précieuse et rare qui ornait le pendentif tomba sous sa chemise, pour ne laisser apparent qu’une chaine d’argent. Elle rangea par la suit la lettre dans une poche de sa cape avant de sortir des lieux, refermant la porte comme si son propriétaire était encore là.

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée. Installée dans une auberge d’un quartier réputé pour son silence et la discrétion de ses habitants. Presque toutes les personnes présentes avaient quelque chose à se reprocher et c’est pour cela qu’un accord tacite existait entre tous. Personne ne parlait de passé de personne, et jamais ils ne s’étaient vus. Installée dans une auberge, non loin de la cheminée, l’elfe avait payé une chambre pour le cycle entier. Elle avait laissé la plupart de ses affaires dans sa chambre, conservant uniquement un gant de cuir ainsi qu’un de ses chemisiers renforcés au niveau des épaules. Installée à une table, il n’y avait qu’un morceau de viande cru posé sur celle-ci. Son faucon, affamé, dégustait ce morceau de choix tandis que l’ancienne Présidente faisait rouler le bijou entre ses doigts. Cette pierre, ou plutôt cette perle était bien étrange et c’était pour cela que Lina était tombée en admiration devant ce bijou. Il semblait renfermer en lui bien des mystères, à commencer par cette étrange brume de couleur sombre généralement qui changeait parfois de couleur, s’éclaircissant pour donner un magma rougeoyant et puissant qui pouvait même réchauffer le pendentif, à moins que cela ne soit une simple impression.

Elle finit par remettre le pendentif sous ses vêtements et passa la main dans sa chevelure noire qu’elle avait conservée masquée durant tout son voyage. L’elfe au tempérament de feu était bien calme en ce jour. Elle qui en temps normal n’aurait pas hésité un instant à séduire les hommes seuls installés ici demeurait la plus sage des elfes. Cela faisait entièrement parti de la nouvelle elfe qu’elle était devenue, de la nouvelle femme qui serait à présent celle que tous connaîtraient en temps voulu.